La Chaîne des Puys en Auvergne au patrimoine mondial de l’Unesco ?
C’est à la fin du mois que la France présentera la candidature de la Chaîne des Puys au patrimoine naturel mondial de l’Unesco.
Véritable musée volcanologique au naturel, la Chaîne des Puys constitue la plus septentrionale des unités volcaniques d’Auvergne. Près de 80 volcans la constituent et s'étalent sur environ 30 Km du nord au sud. La plupart de ces appareils s’alignent sur un plateau cristallin qui se dresse, à 1000 m d’altitude, entre le bassin de la Limagne à l’Est et la vallée de la Sioule à l’Ouest (voir carte). La largeur totale de l'alignement ne dépasse pas 5 Km et la moyenne des sommets se situe vers 1200 m.
Plus jeune ensemble volcanique de France métropolitaine, la Chaîne des Puys est non seulement un paysage admirable par ses formes variées et alignées, mais un site géologique de première importance au regard des processus qui ont conduit à sa formation. Jeune à l’échelle géologique, puisqu’elle s’est formée entre 95 000 et 8 400 ans, pour sa partie centrale, elle résulte cependant d’une succession de séquences chronologiques de plus de 350 millions d’années. En fait, le plus jeune volcan date à peine de 6700 ans (le lac Pavin). La taille, relativement petite des édifices, montre que l'activité n'a pas été continue dans le temps, mais plutôt épisodique. Les volcans, en dôme ou avec cratère, émergent des prairies, landes ou forêts et forment un ensemble paysager remarquable par la variété de la forme de ses reliefs et des manifestations de l’activité volcanique.
Un symbole fort de la région auvergnate, la Chaîne des Puys accueille depuis plus de trente ans des scientifiques, en partenariat avec le Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne, pour faire connaître au plus grand nombre l’histoire de cet ensemble de volcans.
Un site à préserver car c’est une formidable encyclopédie du volcanisme, la Chaîne des Puys est un témoignage de processus géologiques représentatifs de l’histoire de la Terre. La concentration remarquable de nombreux phénomènes volcaniques sur un espace géographique restreint a fait de la Chaîne des Puys un haut lieu de l’observation scientifique depuis plusieurs siècles, comme en atteste l’abondante littérature qui lui a été consacrée de Jean-Etienne Guettard à Déodat de Dolomieu.
Même si la vocation scientifique du site est reconnue depuis le 13ème siècle, c’est seulement dans la deuxième moitié du 18ième siècle que l’on a compris la nature volcanique des montagnes d’Auvergne. Le courant de pensée, jusqu’alors dominant, était le « neptunisme », vision fondée par Abraham-Gottlob Werner (1749-1817), professeur à Freiberg, en Prusse. Pour lui, les couches géologiques, y compris les basaltes, résultaient de précipitations chimiques au fond d’un océan primitif qui avait recouvert toute la Terre avant de se rétracter dans sa position actuelle. Les volcans d’Italie en activité lui semblaient des épiphénomènes. Il pensait qu’ils résultaient de la combustion locale et superficielle de couches souterraines de charbon ! Il faut dire qu’il avait peu voyagé et peut-être jamais vu de volcan actif. Mais, bon professeur et doté d’une belle voix, il était écouté...
Il fallut attendre jusqu’au début du 19ième siècle, pour que les disciples de Werner, convaincus par les excursions qu’ils firent au Puy-de-Dôme, prennent conscience de ce qu’était le volcanisme et ses manifestations et donc se rallient aux précurseurs des idées nouvelles. Certains sont français :
- Jean-Etienne GUETTARD (1715-1786), géologue, minéralogiste, naturaliste, qui a vu antérieurement les volcans d’Italie, reconnaît l’existence de volcans éteints en Auvergne, lors d’une excursion, en 1751.
- Nicolas DESMARET (1725-1815), physicien, membre de l’Académie des sciences, découvre la nature volcanique du basalte en 1763. C’est fondamental pour contrer les idées de Werner.
- Déodat de DOLOMIEU (1750-1801), géologue, minéralogiste, proclame, en 1797 que les laves proviennent des « tréfonds brûlant de la terre » et donc pas de la combustion superficielle de charbon. C’est en l’honneur de cet homme qu’a été baptisée « dolomie » le carbonate double de calcium et magnésium, dolomite la roche correspondante et plus tard, la région italienne « Les Dolomites ».
Cette valeur scientifique et pédagogique se trouve renforcée par l’absence du type de volcanisme de la Chaîne des Puys, champ monogénique – c'est- à-dire constitué de volcans résultant d’une seule et unique éruption –, sur la Liste du patrimoine mondial. Enfin, avec moins de 20 % des sites inscrits, les biens naturels sont sous-représentés sur la Liste du patrimoine mondial. La France illustre bien ce déséquilibre, qui compte seulement trois sites naturels ou mixtes sur trente-sept sites inscrits. D’où la motivation de proposer la candidature de la Chaîne des Puys et son environnement géologique.
Ce projet s’inscrit dans la continuité des actions de protection et de valorisation menées depuis 1977 et la création du Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne, le classement de la Chaîne en 2000 au titre de la loi 1930 sur les monuments naturels et les sites, et la labellisation du puy de Dôme GRAND SITE DE FRANCE® en 2008. Pensé comme l’aboutissement de 30 ans de gestion durable et collective de cet espace naturel et géologique unique, ce projet collectif est construit par le Conseil général du Puy-de-Dôme, conjointement avec le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne (PNRVA), les universitaires clermontois et les services de l’Etat en région, avec le soutien de la région Auvergne et de l’agglomération clermontoise.
Cette candidature à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial va mettre en jeu de nombreux acteurs du territoire et devra faire appel à différentes compétences. Son objectif est multiple :
- Faire reconnaître la valeur universelle exceptionnelle de ce bien en tant qu’élément du patrimoine de l’humanité,
- Garantir sa préservation et son intégrité en respect des évolutions économiques et sociales,
- Impulser un développement local durable porté par un tourisme réfléchi et une attractivité renforcée du territoire,
- Valoriser et encourager la recherche scientifique nationale et internationale sur un site majeur, notamment pour la volcanologie et la géologie.
Une inscription sur la Liste du patrimoine mondial ne muséifie pas un site, elle en reconnaît et confirme la nécessité d’une bonne gestion qui doit préfigurer la reconnaissance internationale du bien. En effet, un site est évalué tant sur son caractère exceptionnel au regard des critères établis par l'UNESCO, que sur son authenticité et son intégrité. La Chaîne des Puys est un territoire que gère depuis plus de 30 ans le Parc naturel régional des Volcans d’Auvergne, et la majorité des outils de gestion et de protection sont déjà en place sur ce territoire classé et géré conjointement avec l’Etat. Il s’agit donc de conforter les efforts engagés par le Parc concernant la sensibilisation des usagers au respect d’un site fragile, la lutte contre la fermeture des paysages et la limitation de l’étalement urbain. Ce projet, de par son envergure et les dynamiques qu'il pourra enclencher au niveau de la recherche, de l'économie et des infrastructures régionales, représente un véritable enjeu pour le Puy-de-Dôme et l'Auvergne. Basé sur la coopération locale, le projet d’inscription sur la Liste du patrimoine mondial n’en participe pas moins d’une démarche de sensibilisation universelle à la protection et la conservation du patrimoine : les valeurs portées par l’UNESCO sont celles de notre responsabilité à l’égard de l’héritage qui nous est légué et de notre devoir de le protéger pour les générations futures.