Restaurations et Re-créations des œuvres de Le Nôtre au Château de
Versailles
Àyant préalablement présenté l'oeuvre de Le Nôtre au Château de Versailles, dans le cadre du quatre-centième anniversaire de la naissance de cet extraordinaire jardinier...
L’année 2013 verra sur l’axe majeur des jardins de Versailles le déroulement d’une grande opération patrimoniale : la restauration du bassin et du parterre de Latone grâce au mécénat de la fondation Philanthropia. Au cœur de la Grande Perspective du parc, ce chantier unique et innovant mettra en valeur les métiers d’art acteurs de cetet restauration. Pour la première fois, les millions de visiteurs qui parcourent chaque année les allées du parc pourront découvrir et suivre en direct toutes les étapes de la restauration de ce chef-d’œuvre de l’architecture des jardins de Le Nôtre.
Le bassin de Latone :
Le bassin de Latone est sans doute l’œuvre la plus célèbre des jardins de Versailles, avec son buffet étagé en marbre, son riche décor de plomb et de marbre sculpté et ses savants jeux d’eau. Il est situé au centre de la Grande Perspective, marquant le début de l’Allée royale menant jusqu’au bassin d’Apollon. Il est l’ouvrage clef du système hydraulique du parc de Versailles : les eaux collectées dans ses galeries souterraines alimentent ensuite les effets des autres bassins du parc, notamment le jet central du bassin d’Apollon.
Aujourd’hui, plus de trois siècles après sa création, sa restauration est devenue indispensable. Une intervention urgente s’impose à la fois sur ses infrastructures, sa fontainerie et ses décors sculptés. Les altérations affectent la stabilité générale de l’ouvrage, et ont des incidences sur l’étanchéité globale du bassin. Les décors sculptés et les marbres sont aussi fortement fragilisés. Les réseaux de fontainerie, internes et externes, présentent également de nombreuses dégradations qui participent aux dysfonctionnements actuels du système hydraulique.
Les travaux commenceront au début de l'année 2013 pour une période de seize mois et seront réalisés conformément aux techniques anciennes. De nombreux artisans, maîtres d'art et ingénieurs sont appelés à intervenir. Un belvédère, à destination du public, sera construit autour du chantier. Il permettra de suivre l'avancée des travaux tout en favorisant un échange avec les visiteurs.
Cette initiative favorisera la valorisation et la transmission entre les générations, de savoir-faire spécifiques, uniques et fragiles, et soutiendra la vocation et l’esprit d’excellence de jeunes artisans. Elle s’inscrit dans la volonté de la Fondation Philanthropia de valoriser dans le monde d’aujourd’hui et de demain des métiers d’art (dorure, ébénisterie, broderie ou encore travail du marbre et du métal). La pérennité de ces pratiques dépend de leur apprentissage par les jeunes générations et représente un enjeu pour l’avenir. Il importe à la Fondation Philanthropia de soutenir un vivier de talents en mesure de perpétuer ces compétences, parties intégrantes de notre patrimoine immatériel, et par là même d'aider ces jeunes artisans dans leur chemin vers l’emploi.
Les parterres de Latone
À travers la restauration des parterres de Latone, complémentaire à celle du bassin, le cœur du jardin pourra retrouver le dessin originel créé par André Le Nôtre. La Fondation Philanthropia entend ainsi participer à l’effort de mise en valeur des jardins tels que les avaient conçus le jardinier du Roi.
Les parterres de Latone sont situés dans l'axe de composition majeur du domaine (est-ouest), qui prend son origine au château et se prolonge par le Grand Canal. Cet axe préside à la constitution du petit parc dans son ensemble.
Créés en 1665, ces parterres de pièces coupées de gazon, à enroulements et coquilles, existent tels quels jusqu’au début du XIXe siècle. Leur transformation en simples compartiments de pelouses bordés de plates-bandes fleuries est engagée à partir de 1818 et est toujours visible aujourd'hui. Ces vastes parterres, d’une emprise totale de 1,35 hectare.
Le principe général d’intervention sur les parterres de Versailles respecte la cohérence du plan d'ensemble de restauration du jardin initié en 1989 et qui prévoit, pour les parties les plus proches du château ou en covisibilité directe avec celui-ci, une restitution de l'état Louis XIV. L’abondante et très précieuse documentation iconographique ancienne permet de définir avec précision, pour les parterres de Latone notamment, les emprises et tracés dans leur ensemble, mais aussi les détails de composition tels qu'ils sont figurés par les plans de référence choisis. L'iconographie (gravures et tableaux), mais également les sources écrites et descriptions de l'époque, permettent en complément de comprendre l'organisation végétale et la volumétrie d'ensemble.
Le bassin des enfants dorés
Le Bassin des Enfants Dorés (ou bassin de l’Ile aux Enfants) est établi en lisière ouest du bosquet du Théâtre d’Eau ; il fut créé en 1709 par Jules Hardouin-Mansart, lors de la campagne de travaux conduite dans le jardin. Celle-ci verra notamment le percement d’un certain nombre d’allées secondaires en franges des bosquets, venant ainsi ouvrir plus largement les salles de verdure plus secrètes antérieurement composées par Le Nôtre.
Ce petit bassin, de forme elliptique, est orné en son centre d’un groupe de huit chérubins, figures en plomb sculptées par Jean Hardy, exécutées à l’origine pour les bassins du parc de Marly, d’où elles furent déposées pour être transportées à Versailles. Il a conservé, durant trois siècles, sa structure d’origine en maçonnerie de briques pleines directement établies sur un corroi d’argile et recouvertes de feuilles de plomb.
Les caractéristiques de ces maçonneries de structure, conjuguées à l’insuffisance de portance des sols, sont à l’origine des problèmes récurrents d’étanchéité qu’a connus ce bassin. Les déformations des maçonneries de briques ont en effet provoqué des craquelures et ouvertures des feuilles de plomb, malgré les joints de dilatation mis en œuvre. Les figures sculptées en plomb, leurs ouvrages de support et de présentation (rochers en plomb), ainsi que les différents ouvrages de fontainerie présentent également un certain nombre d’altérations.
La restauration de ce bassin, viendra parfaire le réaménagement du bosquet du Théâtre d'Eau, qui formera à nouveau un espace à part entière du jardin de Versailles.
Le retour de deux sculptures monumentales
Les jardins se composent aussi bien de sculptures que d’arbres, d’allées et de bosquets. Il était donc naturel d’entreprendre, au cours de cette année Le Nôtre, un projet consacré au patrimoine sculpté en restituant, d’après les originaux, deux groupes réalisés par l’un des plus grands artistes du règne de Louis XIV, Pierre Puget.
« Milon de Crotone » et « Persée et Andromède » ont été retirés des jardins du Château au XIXe siècle pour être placés au Louvre où l’on peut les admirer aujourd’hui encore dans la cour Puget. La réalisation de moulages et leur installation à l'emplacement des deux œuvres d’origine raviveront l’esprit baroque des jardins de Le Nôtre et contribueront à redonner à Puget la place d’honneur qui était la sienne dans le Versailles de Louis XIV.
Les groupes retrouveront leur place à l’entrée du Tapis vert, élément de la Grande Perspective de Le Nôtre. Cette perspective est d’une importance majeure : longue de 3 200 mètres, elle constitue l’épine dorsale de cette véritable architecture végétale que sont les jardins de Versailles.
Milon de Crotone
Milon de Crotone est le plus célèbre des athlètes de l’Antiquité dont les noms ont été gravés dans le marbre à Olympie. Il fut cinq fois vainqueur à la lutte entre hommes. Outre ses victoires à Olympie, il en remporta 7 aux jeux Pythiques, 9 à Némée et 10 aux jeux Isthmiques. Il amassa de nombreuses couronnes tout au long de sa carrière d’athlète.
La sculpture de Puget représente la mort étonnante de Milon de Crotone. Ayant vu au bord de la route un vieux chêne abattu, il se voit pris au piège après avoir tenté de le fendre de sa main. Celle-ci se retrouvant coincée, le vieil homme qui a voulu éprouver sa force ne pourra pas échapper à l’attaque de loups, qui dans l’œuvre de Puget, ont été remplacés par un lion, animal jugé plus noble par le sculpteur.
œuvre phare du sculpteur entreprise en 1671 et achevée en 1683, le Milon exprime toute l’intensité dramatique de l’artiste, loin des figures académiques en vigueur à Versailles. Il y a du Michel-Ange et du Bernin dans cette figure emblématique de la sculpture baroque française ! La torsion du corps, le naturalisme du tronc, l’intensité de la douleur du personnage sont fascinent.
Persée et Andromède
Pour le groupe qu’il exécute entre 1678 et 1684 pour le roi Louis XIV, Puget choisit d’illustrer le célèbre thème de Persée délivrant Andromède. Selon la légende, chantée par Ovide dans ses Métamorphoses puis par Apollodore dans sa Bibliothèque, la mère d’Andromède avait osé comparer sa propre beauté à celle des Néréides, divinités marines suivantes de Neptune. Le dieu ordonna alors que la jeune fille fût enchaînée à un rocher et livrée en pâture à un monstre marin qui dévastait la région, afin d’expier le crime de sa mère. C’est alors qu’intervient Persée, le fils de Jupiter et de Danaé. Alors qu’il s’en retourne dans ses contrées après avoir vaincu la Gorgone Méduse, il aperçoit la jeune fille attachée et en tombe immédiatement amoureux. Il obtient la main d’Andromède auprès du père de la jeune fille, s’il parvient à la libérer. C’est l’issue du combat qui est représentée dans cette œuvre par Puget : Persée, victorieux, recueille la princesse dans ses bras. À leurs pieds on distingue la tête de Méduse, mentionnée dans le texte d’Ovide.
En jouant sur les déséquilibres – gigantisme de Persée et petitesse d’Andromède ; mouvements inversés- Puget rassemble dans cette œuvre toute l’énergie dont on le sait capable. Elle est empreinte à la fois de force et de sensualité. Ce groupe exprime la même audace, le même traitement du mouvement en torsion que le Milon de Crotone. En effet, Andromède fut la seule figure de femme nue sculptée par son ciseau. On peut voir sous les traits du vigoureux Persée le roi lui-même délivrant la France, que symboliserait Andromède. Le Persée et Andromède se révèle être une allégorie de la force et du rôle salutaire du monarque absolu. Cette exaltation du pouvoir royal ne pouvait manquer de plaire à Louis XIV. Ainsi Louvois écrivit-il à l’artiste : « Le Roy a vu votre Andromède dont sa majesté a été très satisfaite ».
Pierre Puget, le Michel-Ange de la France (1620-1694)
Célèbre sculpteur, architecte et peintre baroque d’origine marseillaise, Puget réalise pour répondre à la commande que Colbert lui passe en 1670 ses deux œuvres les plus célèbres: le Milon de Crotone (1671-1683) et le Persée et Andromède (1679-1684). Le Roi séduit par leur fougue, leur accorda une place d’honneur : les deux groupes se font face, situés sur la Grande Perspective au début du Tapis Vert.
Le tempérament indépendant et le caractère torturé de l'artiste, de même que son style audacieux et son sens du tragique ont poussé un grand nombre d’auteurs du XVIIIe et XIXe siècles à le célébrer comme « le Michel-Ange de la France ». Son génie tourmenté s’exprime dans des réalisations telles que les Atlantes de l’Hôtel de Ville ou l’Hercule face à l’hydre de Lerne de 1659.
L’art de Puget, plus proche du baroque italien d’un Bernin que du classicisme français sut néanmoins plaire au Roi. Soutenu en outre par les ministres du monarque, Colbert puis Louvois, il exécuta de nombreuses autres œuvres pour Versailles.
Parterres et perspectives royales
Les jardiniers de Versailles, poursuivant leur travail de reconstitution des tracés dessinés par Le Nôtre au XVIIe siècle, s’attacheront en 2013 à rendre leur splendeur aux parterres de Versailles.
En partenariat avec la Ville de Versailles, les allées royales des Mortemets retrouveront leur configuration historique et offriront un nouveau circuit de promenade.
La replantation de l’allée royale de Marly, engagée en novembre 2012, sera poursuivie.
Enfin dans la cadre du patrimoine retrouvé, le réaménagement du bosquet du Théâtre d'Eau, une création contemporaine sera mise à l’honneur.La salle centrale de cet ancien salon de verdure sera réinterprétée par le paysagiste Louis Benech et l’artiste plasticien Jean-Michel Othoniel.
Le bosquet du théâtre d'eau
Le bosquet du Théâtre d’eau, aujourd’hui bosquet du rond vert, se situe au centre de la frange nord du jardin de Versailles entre le bosquet de l’Étoile et le bosquet des Trois Fontaines. Il a été créé, entre 1671 et 1674, par Le Nôtre, secondé des hydrauliciens Francine et Denis. Les fontaines sont l’œuvre de Le Brun. Conçu à l’origine comme un bosquet à découvrir, le Théâtre d’Eau s’offrait à voir progressivement et jouait sur le secret de la révélation graduelle. Modifié dès 1704, très détérioré par la suite, le Théâtre d’Eau fut détruit en 1775 pour faire place à un dessin d’allées et d’engazonnement, ce qui lui valut son nom de bosquet du Rond Vert. De forme carrée comme la plupart des bosquets de Versailles, il comprend une partie centrale de 1,5 hectare aujourd’hui vide et utilisée comme espace logistique.
La salle intérieure du Théâtre d’Eau, formant un carré de 120 m de côté inscrit dans un autre carré de 180 m de côté, sera réaménagée par Louis Benech et Jean-Michel Othoniel. Le projet prévoit dans l’esprit des jardins dessinés par Le Nôtre de tenir compte de l’écologie des lieux, des problématiques de développement durable, d’accessibilité, de coût d’entretien, de sécurité et d’usage impératif de l’eau.
En effet, le parti pris du paysagiste est de créer un bosquet accueillant et ouvert en permanence, alors que les autres bosquets historiques, plus fragiles, sont souvent fermés. Cet espace réinventé permettra au visiteur de goûter à l’intimité de ces salons voulus par le Roi, mais dans un usage d’aujourd’hui : généreux, plus spontané et facile. Le visiteur s’engagera dans une promenade dansante ponctuée de haltes à l’ombre de chênes verts, avant d’atteindre une grande clairière de lumière et d’eau. Celle-ci reprend l’idée de la vocation originelle du bosquet de 1671 autour d’une nouvelle axialité. Elle sera partagée en une salle plus grande et une scène en sur-haut interprétée en deux bassins. Pour pouvoir raconter ce qui a été, sans mythologie, mimétisme, ou détournements, il est néanmoins fait une série d’allusions au travail de Le Nôtre – troubles perspectifs, récurrences de rythmes. De plus, le positionnement d’un jalonnage végétal donnera repères et dimensions du bosquet disparu.
Louis Benech a choisi de s’associer avec Jean-Michel Othoniel pour la réalisation des sculptures. C’est donc sur les miroirs d’eau du bosquet que l'artiste pose à fleur d’eau quatre sculptures-fontaines dorées. Ces œuvres abstraites composées d’entrelacs et d’arabesques de verre évoquent le corps en mouvement, elles s’inspirent directement des ballets donnés par Louis XIV et de L’Art de décrire la danse de Raoul-Auger Feuillet de 1701. La grâce de leurs jets puissants donne vie à des menuets ou à des rigaudons semblables à des dentelles dans l’espace. Ces créations sont des calligraphies dynamiques qui rappellent les parterres en broderie présents à Versailles. Le jardin, le corps et la sculpture sont ainsi étroitement liés.
LE PROJET DE LOUIS BENECH AFFIRME une véritable volonté de discrétion pour mieux s’intégrer dans ce site d’exception. Invisible depuis le Château et le parc, les arbres choisis ne dépasseront pas les 17 mètres voulus par Le Nôtre et seront en parfait accord avec les couronnes d’ifs du bosquet voisin, celui des Bains d’Apollon, de même que les diagonales seront visuellement fermées à la manière des autres bosquets.
LE SOUCI D’UNE ABSOLUE REVERSIBILITE a été également moteur dans le projet. Il était impératif de conserver les vestiges des ouvrages maçonnés et hydrauliques encore présents sur le site. Les parcours des nouveaux réseaux en tiennent compte. Le reste des ouvrages est également conçu intégralement en « sur-œuvre ». L’ensemble du bassin d’acier pourra être démonté et même recyclé, ses assises autoportées permettant d’exclure toute fondation.