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Comment mieux recycler les bétons ?

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Recybe-ton.jpgComment mieux recycler les bétons ?

Ayant présenté en début d'année 2012, le projet national sur la recherche et le développement des  bétons issus de la déconstruction, Recybéton, suit plusieurs réflexions nées de la volonté d'inscrire la filière cimenterie dans une démarche de développement durable.

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Comment utiliser les granulats issus du béton concassé comme constituant de nouveaux bétons ? Et, plus généralement, comment mieux recycler les bétons ? Pour cela, ils ont notamment cofinancé une thèse de doctorat d’un chercheur de l’ifsttar (ex-LCPC) et ont récemment lancé le Projet national (Pn) de recherche et développement « recybéton ».

En 2008, selon l’UNPG (Union nationale des producteurs de granulats), la quantité de granulats utilisée en France s’est élevée à 545 millions de tonnes. Sur ce chiffre, 114 millions de tonnes (20,9%) avaient été récupérées de la déconstruction des routes et recyclés sur place et 431 millions (79,1%) étaient des granulats « élaborés ». Sur ces 431 millions de tonnes, 408 provenaient de matériaux naturels (carrières), 8 de granulats artificiels (schistes, laitiers, mâchefers…) et 15 de granulats recyclés (soit 2,8% seulement de l’ensemble).

L’avenir décline deux tendances lourdes qui plaident pour une augmentation, dans les prochaines années, de la production de bétons recyclés.

• D’un côté, de très nombreux bâtiments arrivent en fin de vie et vont devoir être déconstruits. D’où une croissance importante du volume des déchets de construction qui ne pourront pas être uniquement absorbés dans les remblais et autres plateformes de chaussées. Il convient donc de développer et de promouvoir d’autres filières de valorisation de ces déchets.

• De l’autre côté, la demande de granulats ne va pas fortement augmenter. En effet, le secteur de la construction est davantage - et pour longtemps - dans un cycle de rénovation plutôt que de neuf. En outre, l’ouverture de carrières sur le territoire devient de plus en plus complexe pour des raisons environnementales, administratives ou d’acceptabilité sociale.

Une thèse confortée par le Projet national de R&D « recybéton »

C’est pourquoi dès 2008, le LCPC, devenu début 2011 l’Ifsttar (Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux), a décidé de lancer une recherche partenariale sur le recyclage du béton concassé en tant que granulat pour les bétons. Elle s’est déroulée sous la forme d’une thèse de doctorat, dans le cadre d’une Convention industrielle de formation pour la recherche (CIFRE) et cofinancée par les grands acteurs de la profession : ATILH (Association Technique de l’Industrie des Liants Hydrauliques), Cimbéton, Ifsttar, SNBPE (Syndicat national du béton prêt à l’emploi), SPECBEA (Syndicat professionnel des entreprises de chaussées en béton et d’équipement annexes), UNPG avec l’appui d’AdP (Aéroports de Paris).

Cette thèse intitulée « (Multi)- Recyclage du béton hydraulique » a été réalisée par Duc-Tung Dao et soutenue le 29 mars 2012, François de Larrard et Thierry Sedran de l’Ifsttar étant respectivement le directeur de thèse et l’encadrant.

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Par ailleurs, cet intérêt pour le recyclage du béton a été officiellement conforté par le lancement le 27 janvier 2012 du Projet National de R&D « Recybéton »

« Puisque les granulats recyclés sont moins résistants, plus poreux et plus frottants que les granulats naturels, leur utilisation conduit souvent à des chutes de performances mécaniques et à une diminution de l’ouvrabilité des bétons dans lesquels ils sont recyclés », explique Thierry Sedran, adjoint au chef de groupe Matériaux pour infrastructures de transport à l’Ifsttar (Centre de Nantes). « Il faut alors adapter la formulation pour retrouver les performances d’origine, ce qui se traduit en général par une augmentation de la teneur en ciment. L’intérêt de cette thèse est donc double : mieux comprendre quelles sont les influences des granulats issus des bétons concassés sur les performances d’usage des bétons et mieux évaluer le lien entre les propriétés d’usage des granulats recyclés et les propriétés du béton dont ils sont issus ».

Cette double approche a permis d’optimiser la formulation des bétons avec des granulats recyclés pour en tirer le meilleur parti et d’étudier la possibilité du multi-recyclage du béton (réalisation de plusieurs cycles à la suite).

Trois générations successives de bétons et de granulats

Pour cette thèse, voici la démarche qui a été adoptée.

• Des bétons de première génération (B1) ont été formulés en laboratoire avec les paramètres suivants :

- Nature des granulats naturels de première génération (G1) : siliceux semi-concassé ; calcaire ; mixte (sable siliceux semi-concassé et gravillon calcaire). Les deux premiers types de granulats représentent des situations extrêmes de formulation, le troisième correspond à une pratique courante de formulation ces dernières décennies.

- Résistances à la compression respectivement proches de 35 et 65 MPa (mégapascals) pour couvrir la gamme de bétons susceptibles d’être recyclés (en général, les vieux bétons à recycler ont des résistances assez élevées).

Puis, à la station d’étude du malaxage de l’Ifsttar, environ 35 m3 de ces bétons ont été coulés sous forme de cubes de 40 cm d’arête, formulés avec des ciments à prise rapide afin que la résistance à 90 jours soit représentative de celle à long terme. Après trois mois de durcissement en conditions extérieures, ils ont été concassés et criblés en trois classes granulaires (0/6,3 mm - 6,3/11,2 mm et 11,2/22,4 mm) sur une plateforme industrielle de recyclage à Nantes.

• Les granulats G2 ainsi produits ont été caractérisés comme il est fait habituellement pour les granulats à béton. Ces G2 issus des bétons composés avec des granulats mixtes ont fait l’objet d’un recyclage dans des bétons de deuxième génération B2 dont les paramètres de formulation étaient les suivants :

- Résistances à la compression proches de 35 et 65 MPa pour couvrir au mieux la gamme des bétons habituellement utilisés sur les chantiers et susceptibles de recevoir des granulats recyclés.

- Remplacement du sable et des gravillons par des recyclés ou seulement des gravillons. C’est, en effet, le sable recyclé qui a le plus d’influence sur les propriétés du béton.

- Utilisation (ou non) d’un agent réducteur de retrait.

• Enfin, certains B2 ont été à leur tour concassés en G3 puis recyclés, selon la même procédure, dans des bétons B3 de troisième génération.

Batterie d’essais et mesure de retrait total, la durabilité du béton étant dépendante de sa qualité...

Béton-Retrait-

Les essais réalisés sur les bétons B1, B2, B3 ont été les suivants : mesure de l’affaissement, de la résistance à la compression et au fendage, et du module élastique.

Ces essais ont été complétés par des mesures de retrait total. En effet, les granulats recyclés contiennent de la pâte de ciment et conduisent à augmenter le volume de pâte dans le nouveau béton. D’où une augmentation du retrait du béton avec, pour conséquences, des problèmes de fissuration dans les ouvrages, si ce retrait est bloqué, ou de perte élevée de précontrainte. La thèse cherche à mesurer l’amplitude de cette augmentation et à vérifier l’intérêt de l’utilisation d’un agent réducteur de retrait.

Enfin, la durabilité des bétons avec des granulats recyclés a été traitée à travers l’étude de la porosité accessible à l’eau, de la perméabilité au gaz et d’essais de carbonatation accélérée.

Des outils pour optimiser les bétons avec des granulats recyclés

Contrairement à certaines études antérieures, cette démarche a permis de maîtriser l’origine et les propriétés des granulats recyclés (notamment l’absence de pollution par du plâtre ou d’autres substances). D’où une analyse plus aisée des résultats et l’élaboration de modèles reliant les performances des bétons aux propriétés des granulats recyclés ou les performances des granulats recyclés à celles du béton d’origine. Ayant un caractère général, ces modèles pourront être appliqués à la formulation pratique.

Et Thierry Sedran de conclure :

« L’ensemble des informations apportées par cette thèse fournit une riche base de données et des outils pratiques pour optimiser les bétons contenant des granulats recyclés. Des outils qui devraient servir aux travaux du PN Recybéton. En espérant que toute cette recherche sur les bétons recyclés lève certains freins qui existent encore chez les maîtres d’ouvrage et aide les industriels à mettre au point des modèles économiques viables ».

 

Un exemple concret :

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À Roissy-Charles de Gaulle, des dalles de piste âgées d’une quarantaine d’années étaient fissurées par fatigue. Aéroports de Paris (AdP), le maître d’ouvrage, a donc décidé de les remplacer, mais en recyclant les matériaux des dalles anciennes, notamment pour des raisons de sûreté (limiter le transfert des matériaux entrants et sortants dans l’enceinte de l’aéroport). Durant l’été 2010, ces dalles ont été déconstruites : le béton, issu d’un mélange de calcaires durs et de ciment composé, présentait une résistance de l’ordre de 68 MPa. Les fragments de dalles ont été concassés et ont ainsi permis de produire un tonnage sensiblement équivalent de gravillons 6/20 et de sable 0/6.

Ces granulats ont fait l’objet d’une caractérisation pour être certain que leurs propriétés les rendaient aptes à l’utilisation dans une formule de béton de piste. Une formule de béton a donc été mise au point à l’Ifsttar, constituée de 423 kg de ciment

CEM II/B-S 42,5 N et de ces granulats recyclés, dans le but de fabriquer des dalles de 5 x 4 m2 de même épaisseur (40 cm) et de mêmes propriétés fonctionnelles que les anciennes dalles. Pour limiter les risques de fissuration liés au retrait, la formule contenait un superplastifiant (moins de demande en eau) et un agent réducteur de retrait. Mais ce dernier s’est avéré incompatible avec les entraîneurs d’air classiquement utilisés dans les bétons de piste pour avoir une résistance suffisante aux cycles gel-dégel. On a donc abandonné l’usage de l’agent entraîneur d’air mais, en contrepartie, le rapport eau/ ciment du béton recyclé a été pris suffisamment bas (E/C = 0,43) pour maîtriser le risque de dégradation en conditions hivernales. On a ainsi obtenu une résistance au fendage de 4,3 MPa à 28 jours pour une valeur de 3,3 requise.

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Résultat : en novembre 2010, les 13 m3 nécessaires à la fabrication de la dalle ont été produits en centrale de béton prêt à l’emploi. Et le béton a été coulé, nivelé, vibré, taloché et balayé sans aucune difficulté. Ainsi, il a été possible de recycler à 100% un béton sur lui-même et de lui donner une seconde vie. Souhaitons-la aussi longue que la première.

Principaux intervenants :

Maître d’ouvrage :

Aéroports de Paris (AdP)

Déconstruction et élaboration des matériaux recyclés : DLB Recyclage

Entreprise :

Agilis (groupe NGE)

Fabrication et contrôle du béton :

Holcim Bétons

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