Adrian Paci - Vies en transit
26 février – 12 mai 2013 au Jeu de Paume
Si son expérience de l’exil définit le contexte de ses premières œuvres, Adrian Paci (né en 1969 à Shkodra, en Albanie) se détache peu à peu de son propre vécu pour élargir sa réflexion à l’histoire collective. Ses projets mettent l’accent sur les conséquences des conflits et des bouleversements sociétaux, montrant combien l’identité est conditionnée par le contexte socio-économique. Dans ses mises en scène, l’artiste explore ainsi le sentiment de la perte, la revendication d’identité, le caractère transitoire et le déplacement de l’être, inhérents à la condition humaine. Il tire son inspiration d’histoires issues de la vie quotidienne, qu’il fait glisser vers la fiction et la poésie par la mise en tension de leurs aspects dramatiques et merveilleux. À travers la première rétrospective de son travail en France, Adrian Paci présente un ensemble d’œuvres très diverses – vidéos, installations, peintures, photographies et sculptures –, réalisées depuis 1997. Illustrant les chassés-croisés qu’il opère entre ces différents médiums, l’exposition révèle aussi la manière audacieuse avec laquelle il revisite l’histoire de l’art et du cinéma.
Salle 1 :The Encounter [La Rencontre], 2011 Vidéo, couleur, son, 22’
Sur le parvis de l’église sicilienne San Bartolomeo de Scicli, des gens défilent par centaines pour serrer la main d’Adrian Paci. Ce geste quotidien, signe de convivialité et de partage, est répété inlassablement jusqu’à devenir un rituel. La mystérieuse procession crée à la fois une union et une tension entre le contexte urbain local, devenu le théâtre de rencontres entre des individualités diverses, et l’artiste, qui expose son identité face à une communauté.
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Adrian Paci
Salle 2 : Vajtojca [Pleureuse], 2002 Vidéo, couleur, son, 9’10’’
Vajtojca s’apparente à un véritable rite de passage. Adrian Paci y met en scène sa propre veillée funèbre selon la tradition albanaise. Assise au chevet de son lit mortuaire, une pleureuse chante une saisissante complainte à l’issue de laquelle l’artiste se relève, comme réincarné.
Centro di Permanenza temporanea
[Centre de rétention provisoire], 2007 Vidéo, couleur, son, 5’30’’
Un cortège de passagers silencieux s’avance vers un escalier d’embarquement, dont il remplit bientôt les marches. Lentement, la caméra scrute les traits graves de ces hommes et femmes qui forment une file d’attente vers une destination inconnue. La perplexité gagne le spectateur quand le cadrage s’élargit, dévoilant que la passerelle ne mène à aucun avion. L’enfermement des protagonistes dans cet état paradoxal de transition permanente évoque la réalité quotidienne des migrants.
Centro di
Permanenza Temporanea - (Centre de détention provisoire) 2007 - Adrian Paci
The Last Gestures [Les Derniers Gestes], 2009
Installation vidéo sur 4 écrans, couleur, dimensions variables Composant un scénario fragmenté autour des préparatifs d’un mariage traditionnel, The Last Gestures capte les échanges silencieux et ritualisés entre la future mariée et sa famille, qui résonnent de la douleur de leur séparation prochaine. La prise de conscience par les personnages du regard porté sur eux en fait les acteurs volontaires d’un drame codifié.
Amplifiant la valeur symbolique des gestes et expressions, le ralentissement des scènes confère sa qualité picturale à la vidéo.
The Last Gestures, 2009 Courtesy kaufmann repetto, Milan, & Galerie Peter Kilchmann, Zurich
Inside the Circle [À l’intérieur du cercle], 2011 Vidéo, couleur, son, 6’33’’
Cette œuvre explore la dynamique complexe qui s’instaure entre l’être humain et l’animal à travers l’interaction entre une dresseuse et un cheval. Dans leur nudité et leurs gestes, qui se mêlent en un code expressif unique, ils semblent renouer un lien primitif et ignorer la distinction entre leurs espèces. Leur relation se développe dans un jeu de rôle chorégraphié où la meneuse – la femme – trouve finalement sa définition.
Salle 3
Secondo Pasolini (Decameron) [D’après Pasolini (Le Décaméron)], 2006
12 gouaches sur papier marouflé sur toile, 38 x 70 cm chaque
Secondo Pasolini (Il Fiore delle Mille e una Notte) [D’après Pasolini (Les Mille et Une Nuits)], 2008
12 gouaches sur papier marouflé sur toile, 38,5 x 70 cm chaque
Secondo Pasolini (I Racconti di Canterbury) [D’après Pasolini (Les Contes de Canterbury)],
2008
12 détrempes sur papier marouflé sur toile, 38 x 70 cm chaque Ces trois séries de peintures constituées de plans isolés de La Trilogie de la vie témoignent de la fascination de Paci pour Pier Paolo Pasolini et de sa recherche d’images à la fois simples et expressives. L’artiste opère un démontage pictural qui, mettant en évidence l’enracinement des images pasoliniennes dans l’histoire de l’art, révèle chez le cinéaste comme dans son propre travail l’équilibre entre le temps et l’image, le mouvement et la durée, l’icône et le réalisme.
Brothers [Frères], 2010
Mosaïque de marbre sur panneau de résine et bois,
160 x 190 x 25 cm- Brothers donne ses lettres de noblesse à une image familiale par sa transposition en mosaïque, qui lui prête sa substance et sa matérialité. Comme dans nombre de ses œuvres, Adrian Paci retravaille une image, personnelle ou trouvée, pour l’exprimer dans un autre médium, ce processus lui permettant de s’approprier une représentation qui lui échappe.
Electric Blue [Bleu électrique], 2010 Vidéo, couleur, son, 15’
Après l’effondrement de l’État albanais dans les années 1990, un homme tente d’assurer la survie économique de sa famille en dupliquant des films pornographiques. Contrarié de surprendre son fils en train de les visionner, il décide de réutiliser les cassettes vidéo pour enregistrer des reportages télévisés sur la guerre du Kosovo. Un an plus tard, il s’aperçoit que les séquences qu’il croyait avoir éliminées resurgissent parmi les images de guerre.
Salle 4
Albanian Stories [Contes albanais], 1997 Vidéo, couleur, son, 7’08’’
Exilé depuis peu en Italie, Adrian Paci filme sa fille de trois ans en train de raconter à ses poupées, sur un mode naïf et improvisé, une suite de contes de fées où les « personnages » habituels de récits populaires – une vache, un chat ou un coq – se mêlent de façon surprenante à des « soldats » et aux « forces internationales d’intervention ». Au travers d’un regard enfantin, s’expriment le caractère particulier et universel des conflits ainsi que le choc de l’immigration et de l’adaptation à un nouveau lieu.
Believe Me I Am an Artist [Croyez-moi je suis un artiste], 2000 Vidéo, couleur, 6’54’’
Soupçonné de maltraitance pour avoir photographié ses filles avec la reproduction de son visa de sortie d’Albanie sur le dos, Adrian Paci fut convoqué dans un commissariat de Milan. La vidéo rejoue son dialogue réel avec la police, qu’il tente de convaincre que le cliché s’inscrit dans un travail artistique symbolisant l’expatriation. Véritable expérience de l’absurde, cette épreuve se révèle autant une bataille pour intégrer pleinement son statut d’artiste qu’une prise de conscience de la fragilité de celui‐ci.
Home to Go [Un toit à soi], 2001 9 photographies, 103 x 103 cm chaque
Dans cette série de photographies issue d’une performance, l’artiste apparaît en sous‐vêtement, portant sur le dos un fragment de toiture inversée dont la forme rappelle les ailes d’un oiseau. Métaphore poignante de son expérience personnelle de migrant, Home to Go souligne en même temps le poids qu’elle représente. Par la réactualisation des thèmes du portement de Croix et de l’ange déchu, ces images s’inscrivent également dans la tradition de la peinture.
Home to Go (détail), 2001 Courtesy kaufmann repetto, Milan & Galerie Peter Kilchmann, Zurich
The Wedding [Le Mariage], 2001
20 gouaches sur papier marouflé sur bois, 22 x 28 cm chaque Sur les vingt panneaux qui composent ce polyptyque, sont reproduites a tempera les scènes d’un mariage traditionnel albanais célébré au début des années 1990. Si le contour flou des visages traduit la fragmentation et la dilution progressives de la mémoire, le dispositif pictural tend à sublimer et mythifier la valeur des souvenirs – paradoxe qui renvoie chez Paci à l’expérience de l’exil.
Piktori [Peintre], 2002 Vidéo, couleur, son, 3’27”
À la fin de la dictature, les villes albanaises virent surgir de petits kiosques semi‐clandestins portant l’écriteau Piktori (« peintre »). À côté des peintures à l’huile et des copies d’œuvres d’art, on y exécutait toutes sortes de faux documents. Dressant le portrait de l’un de ces peintres devenus faussaires pour survivre, cette œuvre propose une méditation sur le rôle de l’artiste dans la société et la relation entre l’artisanat et l’activité artistique.
Piktori (Peintre)
2002
Turn On [Allumer], 2004 Photographie couleur, 145 x 190 cm
Turn On illustre l’attente épuisante d’une dizaine de chômeurs qui se réunissent chaque jour sur une place de Shkodra dans l’espoir de trouver du travail. Icônes d’une condition sociale sans issue, ces hommes se raccrochent cependant, dans la perspective incertaine de jours meilleurs, à la lumière vacillante que diffuse dans le crépuscule une ampoule qu’ils tiennent dans la main.
Klodi, 2005 Vidéo, couleur, son, 40’
Au fil d’un récit tour à tour dramatique et absurde, un Albanais nommé Klodi livre les détails d’un périple motivé par des conditions politiques et économiques qui le conduisirent en Italie, au Mexique et aux États‐Unis. L’histoire reconstituée de sa vie, non sans lien avec l’expérience de l’émigration vécue par Paci, met également en scène la tension entre ces deux pôles que sont la tragédie et le jeu.
Passages, 2009
Acrylique et aquarelle sur plâtre et terracotta, 30,5 x 23,5 x 7,6 cm
Passages, 2010
2 aquarelles sur papier, 100 x 70 cm chaque La série de peintures Passages constitue une collection d’« instantanés » tirés de séquences vidéo ou filmiques allant du journal télévisé aux archives de rituels traditionnels albanais. En isolant une scène d’un flux, Paci cherche à la transférer vers un état de stabilité sans cependant la priver de son statut d’image mouvante, à la maintenir dans un entre‐deux. Le temps de l’image se confondant ainsi avec celui du geste pictural, celle‐ci acquiert une nouvelle dimension.
Salle 5 The Column [La Colonne], 2013 Vidéo, couleur, son, 25’40’’
Produite avec la participation du Jeu de Paume Réalisée à l’occasion de l’exposition, The Column articule une réflexion autour de la notion d’efficacité productive, qui devient prétexte à un voyage poétique entre Orient et Occident. Cette vidéo montre l’évolution d’un bloc de marbre depuis son extraction d’une carrière en Chine jusqu’à son transport maritime, durant lequel des sculpteurs le transforment en colonne romaine. L’image de ce « navire‐usine » illustre une stratégie économique tendue au maximum, où le temps est condensé au point que la livraison coïncide avec la production. Parallèlement à la vidéo, la colonne est présentée dans le jardin des Tuileries, à proximité du Jeu de Paume.
The Column, 2013 Courtesy kaufmann repetto, Milan, & Galerie Peter Kilchmann, Zurich
Jeu de Paume – hors les murs
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Informations pratiques
1, place de la Concorde, 75008 Paris accès par le jardin des Tuileries, côté rue de Rivoli www.jeudepaume.org http://lemagazine.jeudepaume.org
01 48 71 90 07 12 h‐18 h
renseignements
mardi (nocturne) 11h-21h
mercredi à dimanche 11h-19h
fermeture le lundi et le 1er mai
* expositions : plein tarif : 8,50 € ; tarif réduit : 5,50 €
accès libre aux expositions de la programmation Satellite
mardis jeunes : accès libre pour les étudiants et les moins de 26 ans le dernier mardi du mois, de 17 h à 21 h
* visites commentées et ateliers :
accès libre sur présentation du billet d’entrée du jour aux expositions
les rendez-vous avec les conférenciers du Jeu de Paume
le mercredi et le samedi à 12 h 30
les rendez-vous en famille le samedi à 15 h 30 (sauf dernier samedi du mois) sur réservation : 01 47 03 12 41 / rendezvousenfamille@jeudepaume.org
les enfants d’abord ! visites‐ateliers pour les 7‐11 ans le dernier samedi du mois à 15 h 30 sur réservation : 01 47 03 04 95 / lesenfantsdabord@jeudepaume.org
les rendez-vous des mardis jeunes le dernier mardi du mois à 18 h
* conférences : accès libre dans la limite des places disponibles