A l’orée 2017, + 30 % sur la facture d’électricité
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a édité son rapport 2011-2012 sur le fonctionnement des marchés de détail français de l'électricité et du gaz naturel. Quels tarifs énergétiques à l'horizon ?
S’agissant du marché de l’électricité, l’analyse prospective de l’évolution des tarifs réglementés de vente sur la période 2012- 2017 fait apparaître que la hausse de la facture moyenne hors taxe, CSPE incluse d’un client bleu, résidentiel ou professionnel, qui atteint près de 30 % dans les projections de la CRE en euros courants (dont 10,4 % d’inflation), sera due pour plus du tiers à l’augmentation de la CSPE, laquelle s’explique pour l’essentiel par le développement des énergies renouvelables. L’augmentation de la part énergie, représentative de l’approvisionnement d’un client au moyen de l’ARENH et d’un complément acheté sur le marché, représente un autre tiers de cette hausse. Elle a été établie sur l’hypothèse d’une stabilité du prix de l’ARENH en euros constants à partir de 2014.
Compte tenu des volumes d’ARENH alloués aux clients jaunes et verts, plus importants que pour les clients bleus, ceux-ci supporteront des hausses de prix moindres d’ici à 2017.
Détail du marché de l’électricité selon le rapport de la CRE :
Segment des clients résidentiels, éligibles au tarif bleu résidentiel
Sur ce segment, le marché est ouvert depuis 2007. Force est de constater néanmoins que, depuis cette date, les offres de marché y sont restées très marginales, les tarifs réglementés représentant encore, à fin 2011, près de 94 % des volumes fournis.
Si le tarif réglementé de vente bleu couvrait bien les coûts comptables de production d’EDF en 2011 en moyenne, il était toutefois sensiblement inférieur aux coûts supportés par les fournisseurs alternatifs s’approvisionnant exclusivement sur le marché de gros de l’électricité. La situation n’a pas réellement évolué depuis l’entrée en vigueur de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) au 1er juillet 2011, la contestabilité en moyenne du tarif réglementé de vente bleu n’étant toujours pas assurée dans le cadre d’un approvisionnement à l’ARENH et au marché de gros, quelle que soit l’hypothèse de prix de marché retenue.
Les fournisseurs qui disposeraient de moyens d’approvisionnement plus diversifiés, notamment de production, pour compléter cet approvisionnement au marché, pourraient être dans la situation de proposer des offres plus compétitives. Toutefois, la concurrence sur les moyens de production est aujourd’hui très peu développée. Elle porte essentiellement sur les cycles combinés à gaz, dont la rentabilité est fortement obérée par la dégradation récente des conditions économiques. Seul GDF Suez, qui dispose par l’intermédiaire de sa filiale CNR de centrales de production hydroélectriques au fil de l’eau, se trouve actuellement dans des conditions d’approvisionnement manifestement plus favorables que les autres fournisseurs alternatifs d’électricité.
Au surplus, la situation se dégrade en 2012, la hausse tarifaire de 2 % du 23 juillet 2012 étant insuffisante pour couvrir l’évolution des coûts de fourniture estimée entre 2011 et 2012.
Malgré deux importantes évolutions des tarifs en structure en 2009 et 2010, la couverture des coûts comptables d’EDF demeure contrastée entre options tarifaires. En particulier, le tarif TEMPO, toujours proposé aux clients et présentant d’intéressantes propriétés dans le cadre de la poursuite de l’objectif de réduction de la consommation électrique à la pointe saisonnière, est le tarif le plus déficitaire.
Enfin, EDF bénéficie auprès de la clientèle résidentielle d’une image de marque très favorable, liée à sa situation d’opérateur historique, qui a d’autant plus de poids sur le comportement des consommateurs qu’elle se voit potentiellement confondue avec la marque du gestionnaire de réseau ERDF. A cet égard, la CRE a demandé des actions dans le cadre de son rapport sur le respect des codes de bonne conduite et sur l’indépendance des gestionnaires de réseaux.
Trois fournisseurs nationaux disposent fin 2011 de plus de 3 % de parts du marché libre de ce segment de clientèle : Poweo et Direct Energie, qui ont depuis lors fusionné, et GDF Suez.
Au 31 décembre 2011, parmi les fournisseurs nationaux, seuls Poweo et Direct Energie proposaient des offres moins chères que le tarif réglementé ; ils disposent aujourd’hui d’un peu plus du tiers des parts du marché libre. GDF Suez, qui propose des offres de marché identiques ou plus chères que le tarif, dispose des deux tiers restants. Cette situation appellera de la CRE des investigations complémentaires en 2013.
Segment des clients petits professionnels, éligibles au tarif bleu professionnel
Sur ce segment, la situation est presque similaire au segment résidentiel, les tarifs réglementés restant très largement dominants, avec 84 % des volumes à fin 2011. Toutefois, en raison de hausses plus importantes sur ces tarifs en 2010 que sur le tarif bleu résidentiel, la couverture des coûts comptables d’EDF apparaît légèrement meilleure sur les années 2011 et 2012. Les tarifs à effacement EJP et TEMPO, tous deux en extinction, sont toutefois encore déficitaires. À l’instar des tarifs bleus résidentiels, la contestabilité des tarifs bleus professionnels dans le cadre de la nouvelle organisation du marché de l’électricité n’est, en moyenne, pas assurée.
Quatre fournisseurs nationaux disposent fin 2011 de plus de 3 % de parts du marché libre de ce segment de clientèle : Poweo, Direct Energie, GDF Suez et EDF. EDF y est remarquablement actif, disposant de 51 % des parts du marché libre en volume, à l’instar de GDF Suez, qui en possède 25 %. Le quart restant se partage entre Poweo et Direct Energie.
Segment des autres clients professionnels (moyens et grands sites)
Sur ce segment, les tarifs réglementés de vente, s’ils sont largement dominants en nombre de sites (94 %), ne représentent plus que 49% des volumes. En effet, depuis l’ouverture du marché à la concurrence en 2000, avec un premier seuil d’éligibilité à 16 GWh, ramené à 7 GWh en 2003, ce sont essentiellement les plus grands sites qui ont exercé leur éligibilité, sans possibilité de revenir au tarif réglementé, afin de profiter, à l’époque, de prix de marché inférieurs à ces tarifs. Ces clients, qui ont pu, à la suite d’une forte augmentation des prix de marché, bénéficier du TaRTAM entre 2007 et 2011, sont tous aujourd’hui sur le marché libre, pour la moitié des volumes chez EDF, pour l’autre moitié chez des fournisseurs alternatifs. Cinq de ces fournisseurs disposent de plus de 3 % du volume du marché libre de ce segment : ALPIQ, ENEL, EON-SNET, GDF Suez-CNR et VAT- TENFALL. Ils concentrent essentiellement leur activité sur les plus grands consommateurs d’électricité, où ils représentent ensemble 16 % des volumes du marché libre. Leurs parts de marché se sont sensiblement accrues sur le deuxième semestre 2011 après la mise en œuvre de l’ARENH.
Les clients de ce segment qui sont restés aux tarifs réglementés pourront continuer à en bénéficier jusqu’au 31 décembre 2015 et peuvent bénéficier de la réversibilité s’ils exercent leur éligibilité d’ici là.
Les quatre années successives de hausses tarifaires significatives sur ce segment, entre 2008 et 2011, ont permis d’atteindre et de maintenir une situation de couverture moyenne des coûts comptables d’EDF sur les deux catégories tarifaires jaune et vert à partir de 2009. Toutefois, à l’instar du tarif bleu, les fournisseurs alternatifs ne sont toujours pas en mesure, dans les conditions d’approvisionnement actuelles sur les marchés de gros et avec un prix de l’ARENH à 42 €/MWh, de proposer des offres plus compétitives que les tarifs jaunes et verts, ceci d’autant plus qu’ils supportent des frais complémentaires spécifiques au dispositif ARENH (constitution des garanties bancaires, financement du besoin de fond de roulement, etc.) pouvant représenter jusqu’à 50 centimes d’euro par MWh.
Cette situation concurrentielle est difficile tant sur le segment de la clientèle demeurée aux tarifs, qui demeurent non contestables, que pour le segment de clientèle sur le marché libre, où la pression concurrentielle est très forte et les marges commerciales très réduites. En effet, compte tenu du mode de calcul des volumes d’ARENH alloués à ce segment de clientèle, les fournisseurs alternatifs disposent de peu de marge leur permettant de se différencier : leurs achats aux marchés portent sur des volumes de l’ordre de 15 % de la consommation du client et ils supportent par ailleurs des frais complémentaires auxquels n’est pas soumis l’opérateur historique. C’est pourquoi la CRE propose dans le présent rapport des améliorations au dispositif ARENH susceptibles d’augmenter l’espace économique des fournisseurs.
Cas particulier des ELD
Le développement de la concurrence sur le territoire des ELD est très marginal. Les fournisseurs alternatifs préfèrent en effet développer leur activité commerciale sur les zones couvertes par ERDF, où se concentre la quasi-totalité des consommations. Par ailleurs, les procédures d’échanges de données entre fournisseurs et GRD ne sont pas standardisées d’un territoire à l’autre, du fait de différences entre les systèmes d’information utilisés par les différents GRD. La mise en place de procédures spécifiques est donc nécessaire, ce qui augmente le coût d’acquisition des clients situés dans la zone et diminue d’autant l’attrait de ces territoires.
La CRE envisage cependant de mener en 2013 des analyses complémentaires sur le territoire des principales ELD.