Quand les ONG se rassemblent et portent 14 mesures
pour une autre transition énergétique…
Alors que le débat sur la transition énergétique est entrain de s’installer, les ONG et associations se sont réunies ‘’pour agir et porter ensemble 14 mesures indispensables pour une vraie transition énergétique.’’
Véritable enjeu, la transition énergétique doit aboutir à des réponses aux préoccupations des français dont la facture énergétique s’alourdit inexorablement chaque année, sa consommation ne cesse d’augmenter aussi, sur les 15 dernières années, la consommation moyenne d’un Français a augmenté d’environ 10%, pour atteindre 4,4 tonnes équivalent pétrole (Tep), soit 8 fois plus qu’un Indien ou un Africain.
La transition doit envisager un avenir énergétique plus sobre et plus équitable. Le débat sur la transition doit apporter aussi des réflexions sur la réduction de la pollution liées aux énergies fossiles et atomiques et doit faire émerger de nouvelles filières riches en emplois durables et non délocalisables.
Ainsi, les ONG estiment que les décisions récemment prises par le gouvernement ne vont pas dans le sens de la transition énergétique et creusent l’écart entre l’ambition affichée et la réalité, ce qui a justifié l’envoi d’une lettre ouverte des ONG et associations au Premier Ministre.
Parce que le débat sur la transition énergétique doit aboutir à un vrai changement de cap des politiques nationales, les ONG et associations de protection de l’environnement proposent 14 mesures structurantes inscrites autour de six principes :
PRINCIPE 1 : LIMITER LA HAUSSE DES FACTURES D’ENERGIE EN REDUISANT LA CONSOMMATION
Au cours des 20 dernières années, le prix de l’ensemble des combustibles fossiles (fioul, gaz de ville et propane) a été multiplié par 2 ou 3, tandis que le prix de l’électricité a connu une hausse de l’ordre de 10% environ et qu’un rapport sénatorial, publié en juillet dernier, affirme que la facture d’électricité des ménages pourrait augmenter de 50 % d’ici à 2020.
Mesure 1 - Des bâtiments moins gourmands en énergie
Mise en place progressive d’une obligation de travaux pour tous les logements anciens individuels et collectifs dans l’objectif de les porter en moyenne au niveau d’exigences du label BBC Rénovation (80 kWhEP/ m2/an) d’ici à 2050, s’accompagnant d’outils de financement adaptés, en particulier pour les ménages précaires. La réalisation de l’étude sur l’obligation de rénovation dans le secteur du logement, prévue par la loi Grenelle 1, devient à ce titre extrêmement urgente. Elle doit permettre de définir les paliers de temps (par exemple : obligation pour les logements classés G à partir de 2016, puis pour ceux classés F trois ans plus tard, etc.) et certains critères de priorité (chauffage électrique, précarité énergétique, etc.). Une première étape pourra consister à interdire la mise en vente ou en location de bâtiments de classe énergétique G et F à partir de 2018 ; combinée à des aides pour les propriétaires concernés. Un tel système a récemment été mis en place en Angleterre.
Autres mesures :
Mettre en œuvre un système de financement simple et efficace pour les particuliers souhaitant rénover leurs logements, moduler la fiscalité immobilière en fonction de la performance énergétique d’une habitation, renforcer les contrôles sur le diagnostic de performance énergétique pour en faire un outil fiable de réduction des consommations dans le bâtiment existant, s’assurer du respect de la réglementation thermique dans le neuf, développer les bâtiments à énergie positive, accélérer et renforcer la rénovation dans le tertiaire privé et public, développer la formation professionnelle pour les métiers du bâtiment et mettre davantage de conseillers énergie de proximité à disposition des ménages.
Mesure 2 - Une mobilité rééquilibrée et durable
Les infrastructures de transports, en particulier celles qui sont décidées aujourd’hui et qui déterminent le trafic de demain, doivent être en cohérence avec la transition énergétique. Dans le cadre de la lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, la priorité absolue doit donc être donnée à la composition d’un schéma d’infrastructures sobre en carbone qui n’induise pas de trafic routier et aérien supplémentaire permette de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation d’énergie, en cohérence avec notre ambition pour une mobilité et un fret durable. La révision du SNIT (schéma national des infrastructures de transport), actuellement en cours, doit conduire à ne sélectionner que des projets de transports collectifs avec une priorité pour les transports en commun du quotidien. Le choix des infrastructures doit permettre le report modal, c’est à dire le transfert de la route et de l’avion vers d’autres moyens de transport, et rendre effectifs et efficaces les transports collectifs.
Plus en détail :
Pour cela, il convient de freiner l’usage de la route et de l’avion en abandonnant tout projet aéroportuaire, autoroutier et routier. Au delà de leur bilan carbone, de leur impact écologique sur l’artificialisation des sols et la biodiversité, leur coût faramineux justifie leur abandon au profit d’infrastructures qui portent la transition énergétique.
Afin de substituer le train au routier, largement majoritaire pour le transport de personnes et de marchandises, et à l’aérien, qui se développe fortement, il est urgent de développer un réseau national Intercités qui véhicule d’agglomération en agglomération passagers et marchandises et qui permette à tous de se rapprocher des liaisons ferroviaires inter et intra-régionales. Il conviendra de s’appuyer sur le réseau existant et de le moderniser pour sauver le fret ferroviaire, très mal en point depuis plusieurs années.
La mobilité partagée, l’intermodalité et les modes actifs nécessitent eux aussi des infrastructures et dispositifs adaptés: plateforme multimodale ou de covoiturage, stationnement et infrastructures cyclables, financements adéquats...
Pa ailleurs, pour réduire la consommation de carburant et les émissions de GES des transports routiers de façon immédiate et sans frais, les limitations de vitesses devront être réduites sur les autoroutes (130 à 110 km/h) sur les routes (de 90 à 80 km/h) et en ville (de 50 à 30 km/h). Les bénéfices de cette mesure dépassent la sphère environnementale puisqu’elle conduit à une amélioration de la sécurité routière et de la qualité de l’air, diminue les nuisances sonores et les problèmes de congestion sur les routes. Enfin, cette mesure, qui a été mise en place en Espagne parce que le prix du baril de pétrole s’envolait, a permis une réduction de 8% de la consommation de carburant et 450 millions d’euros d’économies sur les importations de pétrole. C’est un levier indéniable pour permettre aux automobilistes de faire des économies significatives et de soulager notre facture énergétique.
Mesure 3 - Mettre fin au gaspillage d’éléctricité
Faire de la consommation d’énergie des produits un critère de choix obligatoire et important dans tous les marchés publics. Les lois Grenelle ont souligné le devoir d’exemplarité incombant à l’Etat et aux collectivités territoriales. L’achat public représente 16% du PIB de l’Union Européenne. Cette mesure permettra d’accélérer significativement l’émergence et la baisse des coûts en France de produits plus sobres en énergie, profitant ainsi aux consommateurs comme aux entreprises. L’efficacité de cette mesure est conditionnée à la mise en place d’exigences ambitieuses permettant de générer de l’additionnalité.
Autres mesures :
Il est essentiel de mener des campagnes de sensibilisation et d’information afin que chacun adopte des gestes économes (débrancher les appareils en veille...) et prenne mieux en compte l’énergie dans son comportement quotidien.
La France doit également être un soutien fort aux directives européennes écoconception et étiquette énergie pour à la fois interdire l’accès au marché européen aux produits énergivores et inciter les consommateurs à l’achat de produits plus sobres en énergie.
Le lancement d’un chèque-énergie à destination des ménages précaires leur permettra d’acquérir des produits plus performants. Le décret sur l’obligation de rénovation du secteur tertiaire doit être publié de toute urgence : dans ce secteur, la consommation d’électricité représente le plus gros poste de consommation d’énergie. Les marges d’amélioration sont très importantes.
Réduire l’éclairage public, par une extinction complète ou partielle après minuit ou avec des systèmes à détecteur de présence. L’électricité doit être réservée à ses usages spécifiques : éclairage, électroménager, télécommunications, transports en commun, industrie.
PRINCIPE 2 / ASSURER A TOUS L’ACCES A DES SERVICES ENERGETIQUES DE PREMIERE NECESSITE
La précarité énergétique et la difficulté d’accès aux services essentiels touchent aujourd’hui de plein fouet les ménages modestes, premières victimes de la crise. La France compte en effet 4,4 millions de ménages qui dépensent plus de 10% de leurs ressources pour l’énergie ou déclarent souffrir du froid dans leur logement2 (dont 75 % appartiennent au 1er quartile de revenu, c’est-à-dire aux 25% de Français les moins riches). Viendront s’ajouter ceux qui seront exposés à des difficultés dans les années à venir du fait de l’augmentation des prix des énergies. L’explosion de ce phénomène résulte d’une augmentation de la pauvreté, d’un parc de logements non-performant et d’une hausse inéluctable du coût des énergies.
Lutter efficacement contre la précarité énergétique implique donc d’intervenir parallèlement et de manière coordonnée sur le parc de logements et le budget des ménages.
Mesure 4 - Eradiquer la précarité énergétique
Renforcer la rénovation thermique des logements des plus précaires. Engager la rénovation thermique des logements représente la seule solution durable et équitable pour assurer aux plus modestes la maîtrise de leurs consommations et de leurs factures tout en leur garantissant l’accès à un confort de base. Le gouvernement doit mettre un œuvre un véritable « droit à la rénovation », en particulier et en priorité pour les ménages les plus en difficulté.Afin de régler efficacement le problème des logements locatifs de piètre performance énergétique (les logements « passoires »), la première étape consiste à intégrer des critères de performance énergétique dans les textes encadrant l’indécence et l’insalubrité.
Le niveau BBC (bâtiment basse consommation) rénovation doit devenir la norme pour le logement des ménages pauvres et modestes, qu’ils soient propriétaires occupants ou bailleurs. Pour que de tels objectifs soient atteints, le niveau d’aide publique doit atteindre 80 à 100% du montant des travaux (avec avance des subventions), et les outils fiscaux permettant de financer le reste à charge doivent être complétés ou adaptés : cumul possible du crédit d’impôt développement durable et de l’ Éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) pour les rénovations les plus lourdes ; création d’un fonds de garantie pour l’Éco-PTZ (re)déploiement de prêts adaptés au budget des ménages, sur une durée suffisamment longue, et incluant une caisse d’avance des fonds (type microcrédits ou prêts SACICAP, qui ouvrent droit à l’allocation logement et rendent solvables les ménages).
Autres mesures : › Déployer une démarche proactive et territorialisée de prise en charge des ménages concernés, pour les accompagner depuis le diagnostic de leur situation (via une visite à domicile) jusqu’à la réalisation des travaux appropriés ou la mise en place d’un accompagnement, qu’ils soient propriétaires ou locataires, dans des logements individuels ou des immeubles collectifs.
› Pour répondre à l’urgence actuelle, il est également nécessaire de mettre rapidement en place un “bouclier énergétique ou “chèque énergie”. Un tel dispositif doit porter sur toutes les énergies et en réduire les factures beaucoup plus que ne le font les actuels tarifs sociaux. Dans l’immédiat, le forfait de charges APL doit être revalorisé de 150 à 200% et le bénéfice de ce forfait doit être élargi aux propriétaires occupants modestes, qui ne peuvent pas prétendre aux APL aujourd’hui en dehors des accédants en cours d’emprunt.
PRINCIPE 3 / Programmer l’arrêt progressif des énergies polluantes, à risques, génératrice de gaz à effet de serre ou qui s’appuient sur des ressources limitées
Le recours aux énergies fossiles et nucléaire devra être fortement réduit. Des mesures doivent être prises dans le secteur du bâtiment (rénovation thermique) ou des transports par exemple (voir les mesures 1 et 2). Des mesures complémentaires sont décrites ci-dessous.
Mesure 5 - supprimer progressivement les modes de chauffage polluants et inefficaces
Remplacer le chauffage au fuel et les chauffages électriques les moins performants (convecteurs, rayonnant anciens et accumulateurs) dans les futurs bâtiments et dans logements rénovés. Dans le cadre d’une isolation efficace, il faudra mettre en place des modes de chauffage de substitution au fioul et à l’électricité. Ces solutions doivent permettre de répondre efficacement à la fois aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Le nouveau mode de chauffage choisi devra bien évidemment être dimensionné en fonction des besoins énergétiques de l’habitation concernée : c’est pourquoi aucune solution générale n’est applicable. Le mode de chauffage retenu doit répondre aux différentes caractéristiques du bâtiment. Ainsi, en milieu rural, le recours au gaz n’est pas une option pertinente, dans les zones non raccordées au gaz de ville. A contrario, l’utilisation du bois énergie paraît être un mode de chauffage bien plus adéquat.
Mesure 6 - Sortir du mirage des énergies fossiles non conventionnelles
L’interdiction de la fracturation hydraulique, principale technique connue pour exploiter les gaz et huiles de schiste, reste insuffisante et ne nous protège pas contre l’utilisation de nouvelles techniques présumées moins dangereuses. Au nom de l’impératif climatique, nous demandons un arrêt définitif de tout projet d’exploration ou d’exploitation de gaz et d’huiles de schiste, et plus généralement de toute énergie fossile non conventionnelle, sur le territoire français, quelle que soit la technique envisagée.
Autres mesures :
› Stopper les recherches sur des techniques alternatives à la fracturation hydraulique.
› Élargir l’interdiction d’exploration de gaz et d’huiles de schiste aux entreprises françaises agissant à l’étranger et en interdire l’importation en France.
› Bloquer l’importation de carburants issus de l’exploitation de sables bitumineux provenant notamment du Canada ou de Madagascar.
Mesure 7 - Programmer l’arrêt du nucléaire
D’ici à 2017, 80% du parc nucléaire français aura atteint 30 années de fonctionnement, durée de vie initialement envisagée pour le parc nucléaire. 23 réacteurs ont déjà dépassé trente ans de fonctionnement. L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire lui-même alerte sur le risque de rupture brutale de la cuve d’une dizaine de réacteurs en France passé 35 ans. EDF souhaite prolonger la durée de fonctionnement de ses réacteurs au-delà de 40 ans, sans être capable de chiffrer précisément les coûts de cette prolongation. Entre 2008 et janvier 2011, l’évaluation de ces coûts par EDF a été multipliée par 2, passant de 400 millions à 900 millions d’euros par réacteur, ces chiffres ne prenant pas en compte les travaux post-Fukushima exigés par l’ASN. Quant au réacteur EPR, le chantier a déjà pris 4 années de retard, entrainant un surcoût évalué pour l’instant à 5,2 milliards d’euros, surcoût qui sera assumé en bonne partie par le contribuable français. Pour baisser à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique, comme s’y est engagé François Hollande, seule la fermeture de Fessenheim est pour l’instant programmée. L’équation ne tient pas. Il est impossible de réduire de 25 points la part du nucléaire en fermant une centrale et en ouvrant un EPR. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de fermer une trentaine de réacteurs d’ici à 2025.
› Adoption d’une décision de sortie du nucléaire, accompagnée d’un calendrier comportant des échéances concrètes de fermetures de réacteurs.
› Parmi ces actes concrets, la fermeture dès maintenant des centrales les plus dangereuses.
› L’interdiction de construire de nouveaux réacteurs (dont l’ATMEA), incluant l’arrêt du chantier du réacteur EPR de Flamanville.
Autres mesures :
› Arrêt des investissements dans le développement de la 4e génération.
› Arrêt des exportations de technologie nucléaire à l’étranger.
› Arrêt du retraitement des déchets, ainsi que de la production de MOX, dangereux combustible à base de plutonium.
› Arrêt des projets d’enfouissement de déchets nucléaires.
PRINCIPE 4 / SECURISER LA COUVERTURE DES BESOINS MAITRISES EN ENERGIE
Une grande partie de notre consommation d’énergie est justifiée par la réponse à des besoins essentiels : se chauffer, se déplacer, se nourrir... Ces besoins sont aujourd’hui satisfaits à 80% par des énergies polluantes. Pour assurer son indépendance énergétique de long terme, la France doit donc s’engager au plus vite dans la construction de systèmes énergétiques vertueux, faisant la part belle aussi bien à la sobriété qu’aux énergies renouvelables. Celles-ci sont en effet l’une des clés de la transition énergétique, permettant de répondre aux différents enjeux énergétiques de notre époque :
› Elles sont mobilisables partout et ne dépendent pas de ressources finies, contribuant ainsi à la sécurité d’approvisionnement et à l’indépendance énergétique,
› L’impact sur l’environnement de la production énergétique par le biais des renouvelables est limité,
› Leur potentiel en termes d’emplois et d’innovation est important.
Si la France et l’Union Européenne ont affiché une volonté de développer le recours aux énergies renouvelables, ces engagements sont encore insuffisamment réalisés aujourd’hui.
Mesure 8 - Soutien aux énergies renouvelables
Assurer sur les 20 ans à venir un financement cohérent et lisible de l’électricité renouvelable, adapté aux baisses des coûts. Parmi les outils de soutien au développement des énergies renouvelables électriques, le tarif d’achat s’est montré le plus efficace : transparence, prévisibilité, efficacité économique, sont garanties par celui-ci. Il constitue l’outil clé de développement de l’électricité renouvelable. Néanmoins, actuellement, les tarifs d’achat français comportent trop de failles pour obtenir une réelle efficacité : menacé d’annulation à Bruxelles, mal calibré sur certaines filières, générant blocages ou a contrario effets d’aubaine, et subissant des modifications trop brutales, ce dispositif n’encourage pas les investissements.
Autres mesures :
› Solaire photovoltaïque : permettre enfin d’installer des panneaux sur les toitures et cesser d’imposer l’intégration au bâtiment. Cette exigence rend plus chères les installations au détriment du consommateur, sa suppression contribuerait à maîtriser la CSPE en ajustant le tarif d’achat. L’intégration pose de plus des problèmes de qualité et d’assurance des installations.
› Éoliennes : simplifier les démarches administratives, répartir les éoliennes sur le territoire en rapprochant les rentabilités des zones plus ou moins ventées (par exemple en ayant un prix maximum garanti sur 5 ans et un prix dépendant du vent les 10 dernières années) et favoriser l’appropriation locale (contrôle par les élus, participation des citoyens, investissement local)
› Chaleur renouvelable : renforcer, pérenniser et affiner le fonds chaleur pour assurer le développement de la chaleur renouvelable.
Mesure 9 - L’agriculture, actrice de la transition énergétique
La méthanisation est une filière de production particulièrement intéressante. Le biogaz qu’elle produit peut être utilisé pour la production de chaleur et/ou d’électricité (avec ou sans cogénération) et même pour le transport sous forme de biométhane carburant. Le biogaz peut être obtenu à partir de la fermentation de tout type de déchet organique. La méthanisation dite “territoriale” permet ainsi, à partir de l’ensemble des déchets organiques d’un territoire, de produire de l’énergie mais aussi un digestat qui permet le retour au sol des matières organiques digérées. Il pourra contribuer ainsi à rendre notre agriculture plus autonome en intrants.
Pour cela, les tarifs d’achat d’électricité comme de biogaz, doivent être optimisés, harmonisés et les procédures doivent être raccourcies. Pour autant, la méthanisation ne doit pas servir de caution environnementale à des systèmes de production agricole intensifs préjudiciables pour l’environnement et la société.
De plus plusieurs points de vigilance au développement de la méthanisation doivent être posés :
› limiter les transports d’intrants et de digestats, en optimisant les charges transportées (pas de transport
à vide) et en limitant le rayon de chalandise,
› concevoir des unités pertinentes d’un point de vue énergétique en travaillant sur les débouchés thermiques pour optimiser l’efficacité énergétique,
› interdire les cultures énergétiques dédiées qui viendraient concurrencer leur vocation première de nourrir les hommes, sauf localement au niveau d’une exploitation,
› maximiser les retombées locales des projets en favorisant les projets maîtrisés par les acteurs locaux à l’encontre des fuites de valeurs ajoutées vers des sociétés privées hors sols.
Autres mesures :
- Évaluation fine par région du potentiel de bois énergie en tenant compte de la préservation de la biodiversité forestière, de la capacité des propriétaires privés (75% de la forêt française) à mobiliser réellement le bois, des autres usages du bois (bois d’œuvre, panneaux, papeteries...), des installations déjà existantes localement qui doivent être approvisionnées et de l’autoconsommation mal connue.
- En matière de transports, les carburants utilisés pour alimenter les véhicules doivent être les moins émetteurs et les moins nuisibles à l’environnement possible et ne pas porter atteinte à la sécurité alimentaire. Cela suppose de mettre fin à la consommation d’agrocarburants produits à partir de cultures alimentaires.
PRINCIPE 5 / PERMETTRE AUX CITOYENS DE REPRENDRE EN MAIN LES DECISIONS EN MATIERE D’ENERGIE
La construction de la politique énergétique française est encore réservée à une élite de décideurs politiques et économiques. De fait, elle est détachée des attentes citoyennes et des réalités économiques et sociales. Les choix de court terme sont encore privilégiés, notamment en ce qui concerne la rentabilité des investissements et les questions de pouvoir d’achat, en ignorant la vision globale des enjeux écologiques, sociaux et environnementaux. Ces éléments prolongent les tendances actuelles : croissance de la consommation, développement d’unités de production fondées sur les énergies fossiles et fissile.
Mesure 10 - Gouvernance : Mieux répartir les compétences entre état et collectivités
Renforcer l’échelon régional et le bassin de vie. Aujourd’hui, cela signifie regrouper les compétences « climat-énergie » (urbanisme, mobilité, habitat, énergie, environnement, information et sensibilisation des habitants...) au niveau intercommunal4 et à moyen terme redéfinir des périmètres des intercommunalités à l’échelle du bassin de vie. La région devra alors avoir un vrai pouvoir politique et des moyens adéquats pour assurer la cohérence de ces politiques locales entre elles et avec les orientations de la politique énergétique nationale, notamment en élaborant un schéma régional opposable sur les aspects climat, énergie et aménagement, en concertation avec l’Etat, les collectivités et les acteurs locaux. Cette décentralisation n’aura pas d’incidence sur la solidarité et la péréquation tarifaire.
Autres mesures :
Il est fondamental d’accorder aux collectivités les moyens financiers politiques et réglementaires d’agir. Il s’agit notamment de rétablir l’autorité des collectivités sur la gestion de leurs réseaux de distribution de l’électricité et du gaz, en leur accordant la possibilité de créer une Entreprise Locale de Distribution chargée d’assurer un vrai service public local de l’énergie. L’Etat doit quant à lui être le garant des grands équilibres en assurant les échanges et la solidarité territoriale par le fonds de péréquation de l’électricité. En outre, le renforcement du droit à l’expérimentation permettra de libérer les initiatives locales. En matière de financement, il s’agit d’identifier des ressources pour les politiques locales, de faciliter la création d’outils d’accompagnement de la transition (par exemple les sociétés de tiers-investissement) mais également de permettre une adaptation locale des incitations financières. Plus généralement, les collectivités doivent pouvoir adapter aux enjeux locaux la norme nationale et aller plus loin que cette dernière. Enfin, les missions nationales, régionales et locales d’observation, de suivi et d’évaluation doivent être renforcées.
Mesure 11 - Soutenir les projets citoyens d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique
Permettre aux acteurs publics et coopératifs, à l’instar de nos voisins européens, de faire part de leurs initiatives le plus largement possible sans passer par un visa de l’AMF. Le dispositif est actuellement très complexe et constitue un obstacle important à l’ouverture aux citoyens et aux collectivités du capital des projets de développement d’énergies renouvelables. Faciliter l’investissement citoyen permettra d’instaurer une incitation, voire une obligation, d’ouverture aux collectivités et particuliers du capital de tous les projets d’énergies renouvelables.
Autres mesures :
› Participer au financement de la phase à risque des projets citoyens : création d’un fonds dédié ou élargir à ce type de projet l’accès à des fonds régionaux déjà existants (fonds IDEE,...).
› Apporter une garantie aux prêts bancaires souscrits par des sociétés citoyennes.
› Adopter un cadre réglementaire qui soit stable dans le temps.
› Instaurer un tarif d’achat photovoltaïque régionalisé et bonifié pour les projets citoyens.
› Permettre aux collectivités publiques de participer directement au capital de sociétés de production, sous réserve d’un pacte d’associés qui leur confère un droit de blocage.
› Si des avantages fiscaux sont proposés pour l’investissement des particuliers dans les PME-PMI, ces mêmes avantages doivent être octroyés aux sociétés d’exploitation d’énergie renouvelable.
PRINCIPE 6 / ASSURER LES CONDITIONS DE REUSSITE DE LA TRANSITION ENERGETIQUE
Mesure 12 - Transition, reconversion, formation
Mettre en place un véritable « Plan Marshall de la formation aux compétences de la transition énergétique ». Des travaux prospectifs doivent être conduits dans tous les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications mis en place par les branches professionnelles. Ces travaux prospectifs doivent permettre d’anticiper les besoins en compétences, et de déterminer les formations nécessaires pour y répondre. Des financements nouveaux doivent être consacrés à la formation continue, en concertation avec l’Etat, les partenaires sociaux et les Régions, afin de permettre un développement rapide des nouvelles activités.
Autres mesures :
Ces travaux prospectifs doivent aussi permettre d’identifier les secteurs dont l’activité est amenée à décliner, et d’anticiper les besoins de reconversion de leurs salariés. Il convient en particulier de savoir repérer les compétences de ces salariés qui peuvent être mises à profit dans les activités en développement. Organiser des actions d’information, d’orientation et de promotion des nouveaux métiers en direction des salariés et des demandeurs d’emploi. Ces actions peuvent être menées au sein des entreprises, et par le service public de l’emploi. Assurer également la promotion des métiers liés à la transition énergétique dans le cadre de l’information et de l’orientation des élèves.
Toujours anticiper et accompagner les conséquences sur l’emploi : Aucune décision ne devrait être prise en la matière sans être accompagnée d’une étude d’impact et d’un plan d’action en matière de formation et d’emploi.
Agir pour la qualité de l’emploi : la qualité de l’emploi est une condition nécessaire au développement des activités de la transition énergétique. Inclure des indicateurs de la qualité de l’emploi dans les décisions des pouvoirs publics et les négociations de branche. Ces indicateurs seraient à définir par les partenaires sociaux.
Mesure 13 - Financement de la transition énergétique
Assurer le financement durable (et à moindre coût financier) de la transition énergétique, en mobilisant les outils financiers existants et en développant de nouveaux. Cela peut passer par : › Faire du financement de la transition énergétique une priorité réelle et assumée de la nouvelle banque publique d’investissement (BPI). Plus généralement il est essentiel que toutes les banques publiques (qu’il s’agisse de la Caisse des Dépôts ou de la future banque des collectivités) aient une orientation prioritaire en faveur de la transition écologique et énergétique.
› Utiliser véritablement l’outil bancaire public : il s’agira d’utiliser pour des banques publiques les mêmes « mesures non conventionnelles » que celles utilisées par la BCE depuis le début de la crise pour apporter des liquidités aux banques commerciales. Les banques publiques prêteraient ensuite ces liquidités à des taux d’intérêts proches de zéro pour financer les projets de transition. › Mettre en œuvre de nouveaux outils financiers pour créer les conditions d’une banque de la transition écologique, à l’échelle européenne (par ex : prêts dédiés de la BEI), nationale (par ex : en mobilisant des sources de financement diverses sur le modèle allemand de la KfW), ou régionale (emprunts obligataires par exemple).
Autres mesures :
› Affecter réellement au financement de la transition énergétique et de la transition écologique une partie de la collecte supplémentaire effectuée grâce à l’augmentation des plafonds des livrets A et LDD.
› Développer le tiers–investissement pour la rénovation énergétique des bâtiments, notamment tertiaires.
Mesure 14 - Une fiscalité juste, au service de la transition énergétique
Dès le budget 2014, le gouvernement doit concrétiser au moins deux à trois premières mesures fortes et lisibles : en priorité, le rattrapage des taxes sur le diesel et la fin des exonérations diverses comme la taxation du kérosène utilisé pour les vols intérieurs. Ces mesures qui pourraient être utilement couplées à des « chèques mobilité » pour aider les ménages les moins aisés. Sur les années suivantes, c’est la généralisation du prix donné au carbone, aux consommations d’énergie et plus globalement aux atteintes à l’environnement qui doit être l’objectif, par une contribution énergie climat ou un mécanisme équivalent.
Plus en détails :
La contribution climat énergie est une fiscalité nouvelle et équitable basée sur la consommation d’énergie non renouvelable et les émissions de gaz à effet de serre. C’est un instrument clé pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et fissile, puisqu’elle permettra d’anticiper et d’éviter que la hausse inéluctable du prix de l’énergie ne soit subie, notamment par les catégories les plus modestes.
De par son effet incitatif, elle permet de diminuer significativement la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Les travaux scientifiques de T. Sterner chiffrent son effet sur les carburants à 0,6% à 1% pour une hausse de 1% du prix.
Le niveau de taxation doit être relevé progressivement et régulièrement. La commission pluraliste de Rocard avait fixé le prix initial de la tonne de CO2 à 32€, un taux relevé de 4% annuellement pour atteindre 250€ en 2050. Au vu de l’urgence climatique et du retard accumulé par les politiques pour agir, c’est le minimum requis. La contribution climat énergie doit couvrir tous les gaz à effet de serre et à ce titre être étendue aux déchets et au secteur agricole.
La contribution climat énergie est une mesure incontournable des lois de finance à venir. Ses recettes, équivalentes à plus de 8 milliards d’euros, permettront de réaliser la transition énergétique tout en sortant de la précarité énergétique. Assortie de mesures redistributives sous conditions de ressources pour les plus modestes et de mesures de soutien et d’accompagnement pour faciliter la rénovation thermique et solutionner la mobilité contrainte notamment, elle n’affectera pas les ménages les plus vulnérables. En complément, un rééquilibrage fiscal devra être réalisé au travers d’une baisse de la fiscalité (TVA) des transports en commun, et de la fourniture d’énergie renouvelable. Plus largement, ces mesures contribueront au financement de la transition énergétique et à une politique incitative de réorientation des usages.