Surveillance
géo-mécanique et radiologique de l’atoll de Moruroa
Depuis plusieurs semaines de multiples informations de qualité diverse relatives à la situation dans les atolls de Moruroa, Fangataufa et Hao ont fait l’objet de diffusions sous différentes formes.
Le Haut-commissaire de la République en Polynésie française et le commandant supérieur des forces armées en Polynésie française ont jugés utile, via cette conférence de presse, de faire un point de situation.
Les sujets abordés seront :
- la surveillance géo-mécanique de l’atoll de Moruroa,
- la surveillance radiologique des atolls de Moruroa et de Fangataufa,
- le chantier de réhabilitation de l’atoll de Hao.
LA SURVEILLANCE GEO-MECANIQUE DE L’ATOLL DE MORUROA : UN PRINCIPE DE PRECAUTION
L’atoll de Moruroa fait l’objet d’une surveillance géo-mécanique depuis les années 80 car les sollicitations mécaniques liées aux 127 essais nucléaires souterrains réalisés de 1976 à 1996 ont pu fragiliser la couche de corail, en particulier en zone nord de l’atoll.
Un système redondant de capteurs en surface et en profondeur, baptisé TELSITE, permet de déclencher automatiquement une alerte en cas de glissement d’un pan de falaise corallienne. Les mesures issues des différents capteurs sont suivies, en permanence par le centre CEA de Bruyères le Châtel en région parisienne. En cas d’évènement, l’alarme est déclenchée automatiquement et immédiatement vers le détachement présent sur l’atoll de Mururoa qui prend les mesures de protection adaptées.
Ces différents capteurs permettant aussi de surveiller l’évolution des mouvements de trois masses de calcaires (loupes) de la zone Nord et de pouvoir prévoir avec un préavis de plusieurs semaines, le glissement d’une de ces masses.
L’entretien des infrastructures des dispositifs de surveillance est assuré par le détachement militaire présent en permanence à Moruroa.
La maintenance technique de ces dispositifs est assurée par des spécialistes du CEA (basés en Polynésie et en métropole) qui se déplacent autant que de besoin et au moins une fois par an lors de la mission annuelle de contrôle.
Mis en place depuis le début des années 80 après un incident survenu en 1979, le système TELSITE est donc régulièrement entretenu et assure sa mission de surveillance. Il est nécessaire d’envisager aujourd’hui la modernisation de ce système de surveillance et d’assurer sa pérennité pour au moins 15 ans avec des équipements prenant en compte les dernières avancées technologiques.
1970. Tir Dragon, 30 mai
1970, Fangataufa.
Risque de glissement de blocs : une très faible probabilité
Sous l’effet naturel de la gravité la plupart des atolls de Polynésie française montrent des fractures bordières créées sur la pente externe du récif. A Moruroa, ces fractures ont été réactivées par les sollicitations mécaniques générées par les vibrations engendrées par les essais nucléaires souterrains réalisés entre 1976 et 1996.
En 1979, un bloc de falaise corallienne (de l’ordre de plusieurs dizaines de millions de m3) s’est détaché à la suite d’un tir. Bien que les essais soient terminés, ce type d’événement n’est pas totalement à écarter, notamment dans les secteurs sud-ouest et nord-est de l’atoll de Mururoa.
Ce glissement produirait une vague de l’ordre de 5 mètres sur le lieu de l’évènement 60 secondes après le début du phénomène, avec pour effet une submersion de l’ordre du mètre sur la piste d’aviation et une inondation de moins d’un mètre en zone vie. Ce glissement de blocs n’aurait aucune conséquence sur les atolls voisins. Le système automatique Telsite garantit un délai de préavis compris entre 90 secondes et plusieurs minutes avant une éventuelle submersion. En cas d’alerte, le personnel situé en dehors de la zone vie doit donc se placer en hauteur, sur les différentes plateformes prévues à cet effet.
1968. Tir Canopus, 24
août 1968, Fangataufa.
Risque de glissement des loupes : un niveau de risque nul depuis la fin des essais
Dés le début des années 80, un mouvement lent de masses de calcaire (loupes) vers l’océan a été observé dans trois zones contiguës au nord-est de Moruroa : Camélia, Françoise et Irène. Les signes avant-coureurs d’un glissement de roche d’un important volume (jusqu’à 700 millions de m3) seraient détectés par le système Telsite, quelques jours à plusieurs semaines avant l’événement grâce au suivi de différents indicateurs : l’activité micro-sismique de la zone nord (géophones de surface et en profondeur), l’évolution de la déformation et de la fracturation de surface (GPS), l’évolution des mouvements d’ensemble des flancs de l’atoll (extensomètres), l’évolution de l’inclinaison des couches en profondeur initiatrices des mouvements (inclinomètres).
Ces indicateurs sont traduits en niveaux de risque, sur une échelle de 0 à 4, permettant de définir un délai de préavis en cas de déstabilisation de grande ampleur. Depuis la fin des essais en 1996 ce risque est égal au niveau 0.
D’après les hypothèses les plus maximalistes un glissement générerait sur l’atoll de Moruroa, une vague pouvant atteindre une hauteur de 20 m au droit de l’évènement dans un rayon de 500 m (en maximalisant tous les paramètres pris en compte dans la simulation numérique actuelle). La hauteur d’eau atteindrait 2 à 5 m en zone vie de Moruroa. Le personnel sur site serait préventivement évacué.
Un train de houles de quelques dizaines de centimètres de hauteur se propagerait en direction de l’atoll de Tureia situé à plus de 100 km au nord de Moruroa. La zone sud de l’atoll de Tureia serait atteinte 10 mn après et la zone nord de l’atoll en 13 mn. Les études de modélisation démontrent qu’une vague d’une hauteur maximale de 1,5 à 2 m pourrait être observée à Tureia.
Les zones habitées ou les zones d'activité ne seraient donc pas submergées mais des précautions devraient être mises en place, sous la forme d'interdiction d'activités comme la pêche à pied sur le platier, en période d'alerte.
Il est toutefois à noter que, même dans ces simulations les plus pessimistes, l’événement créerait sur Tureia une montée des eaux moins importante que celle que l’atoll subit presque chaque année avec les fortes houles venant du sud. Bien que cet événement ne présente pas de menace particulière vis-à vis de l’atoll, le plan communal de sauvegarde de Tureia intègre le risque d’un événement hydraulique en provenance de Moruroa. Ce plan a été approuvé par arrêté du maire de Tureia en date du 21 novembre 2012.
1970. Tir Dragon, 30 mai
1970, Fangataufa.
La surveillance géo-mécanique
Les mesures continues issues du système de surveillance géo-mécanique Telsite confirment des vitesses stationnaires dans les trois zones concernées, voire un ralentissement progressif.
L'activité microsismique est normale, prépondérante en zone Françoise, comme les années précédentes. L'ensemble de ces mesures montre que le mouvement est globalement conforme aux prévisions de ralentissement mais que les mouvements sont toujours mesurables.
Les rapports annuels de surveillance géo-mécanique sont disponibles sur le site internet des forces armées en Polynésie française : http ://www.armees-polynesie.pf/spip.php?article 229
Ces éléments justifient, comme les années passées, un maintien de la vigilance au niveau actuel et la nécessité de maintenir l'ensemble des capteurs en place, de les entretenir, de les moderniser, voire de les remplacer si nécessaire. Aujourd’hui un projet se met donc en place afin de procéder à la modernisation du système de surveillance Telsite : les capteurs sont naturellement sollicités par l’impact naturel de la météorologie locale. Cette modernisation permettra d’assurer leur pérennité pour une durée d’une quinzaine d’années grâce à des équipements prenant en compte les dernières avancées technologiques.
1966. Tir Sirius, 4
octobre 1966, Moruroa.
Un projet piloté par le ministère de la Défense
Toutes les modalités techniques et calendaires de ce projet de rénovation ne sont pas encore arrêtées, l’objectif 2016 devant être consolidé. Au préalable, Il apparaît nécessaire de rénover certaines infrastructures pour lesquelles un état des lieux est en cours de réalisation.
Compte tenu de la complexité d’une telle opération, une équipe de projet a été créée et a pour mandat :
- de faire l’inventaire et d’analyser l’ensemble des tâches à accomplir pour réaliser ces travaux de modernisation ;
- de proposer un calendrier des travaux qui dureront plusieurs années ;
- d’imaginer la meilleure organisation possible afin d’assurer un déroulement optimal des travaux.
Cette surveillance, qui est et qui restera une priorité, est de la responsabilité de l’Etat qui continue d’assumer ses engagements en faisant réaliser ces travaux de modernisation. Ce long chantier sera financé exclusivement par l’Etat.