Nickel, le trésor des Kanak – France 5 – Mardi 4 Juin 2013 à 21h45
Vingt-cinq ans après les accords de Matignon, les Kanak luttent toujours pour leur indépendance. Mais l’heure n’est plus à la violence. En prenant en main la gestion de la richesse principale de la Nouvelle-Calédonie, le nickel, ils relèvent un pari audacieux mais dangereux sur le marché mondial des matières premières.
Ce Peuple d’à peine 100 000 personnes parviendra-t-il à se faire une place dans l’économie mondiale ? Résistera-t-il à la voracité des multinationales ?
En quelques années, ils l’ont vue jaillir du sol et devenir une des plus grandes usines métallurgiques de la planète. Le site de Koniambo, dans la province Nord de la Nouvelle-Calédonie, est désormais la fierté de tout le peuple kanak : « c’est bien plus qu’une usine, témoigne un des salariés natifs de la région. C’est le début de la marche vers l’indépendance, peut-être... » Ou le symbole d’une décolonisation pacifique sur fond de guerre planétaire pour l’accès aux ressources naturelles. car le nickel, première richesse de l’île, qui possède plus du quart des réserves mondiales, a longtemps été l’apanage des caldoches, détenteurs, avec les Blancs venus de métropole, du pouvoir politique et économique du caillou. Le rééquilibrage, voulu par les accords de Matignon en 1988, a permis à une population qui continuait à vivre selon le modèle tribal, et mise à l’écart des décisions politiques et de la manne économique, à y avoir accès à son tour.
La voie vers l’indépendance ?
Journaliste économique, Anne Pitoiset observe la société calédonienne depuis dix ans, et suit particulièrement l’ac- tualité du nickel. Elle en connaît bien les acteurs, dont elle décrypte les stratégies. Celle de Paul Néaoutyine, l’héritier de Jean-Marie Tjibaou, économiste de formation et président de la province Nord, qui a fait de la valorisation du nickel la voie d’accès à la souveraineté du peuple kanak. Et le rôle crucial d’une personnalité de l’ombre : André Dang, un homme d’affaires calédonien d’origine vietnamienne qui a très vite compris comment un pays producteur de matières premières pouvait tirer parti de la soif de minerai des nouvelles puissances asiatiques. A la tête de la SMSP (Société minière du Sud Pacifique), première exportatrice mondiale de minerai brut, il est à l’origine du projet de l’usine du Nord et des accords signés avec le canadien Falconbridge, qui a permis aux Kanak, pour la première fois de leur histoire, d’être majoritaires dans un grand projet industriel : un chantier à 5 milliards de dollars qui emploie 6 000 ouvriers de vingt-huit nationalités différentes. « J’apporte la ressource minière et, en contrepartie, je dois recevoir 51 % des parts, explique l’entrepreneur. La société canadienne, elle, apporte la technologie, les finances et le savoir-faire et, en contrepartie, reçoit la commercialisation. » un cas inédit dans le monde pour un peuple qui met en avant ses désirs d’indépendance. En 2006, l’anglo-suisse Xstrata*, qui a réalisé une OPA sur le groupe canadien, ne remet pas en cause l’accord, prometteur d’une rentabilité exceptionnelle. celui-ci inclut des dispositions pour la protection de l’environnement afin de limiter les impacts écologiques inhérents à l’exploitation du minerai. Mais les Kanak sont prêts aujourd’hui à ce sacrifice pour garantir l’émancipation de leur population. car le nickel, indispensable à la fabrication de l’acier inoxydable, est l’objet de toutes les convoitises, même si son prix subit également la volatilité des marchés.
Dans ce film, Anne Pitoiset enquête auprès des principaux acteurs du secteur – à Londres, Paris, Tokyo ou Séoul –, accompagne Paul Néaoutyine et André Dang dans leurs négociations pour la signature de nouveaux accords, et soulève des questions essentielles pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : ce peuple d’à peine 100 000 personnes parviendra-t-il à se faire une place dans l’économie mondiale ? Résistera-t-il à la voracité des multinationales ? Et ne risque-t-il pas de passer d’une dépendance politique à une dépendance économique ?
Anne-Laure Fournier
* Xstrata a fusionné avec le groupe suisse Glencore, le 2 mai 2013.
Documentaire
Durée
52’
Production
Zadig Productions/AAA Production, avec la participation de France Télévisions
Auteurs-réalisateurs
Laurent Cibien et Anne Pitoiset
Année
2013
