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Chimie du végétal, quelle stratégie de la valorisation non-alimentaire et non-énergétique de la biomasse

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Chimie-du-Ve-ge-tal.jpgChimie du végétal, quelle stratégie de la valorisation non-alimentaire et non-énergétique de la biomasse

 

ALCIMED, société de conseil en innovation et développement de nouveaux marchés a réalisé une étude pour le compte de FranceAgriMer sur la valorisation non-alimentaire et non- énergétique de la biomasse. Par une analyse des logiques d’acteurs et des filières d’approvisionnement de 4 molécules reflétant un ensemble de possibles en matière de chimie du végétal (éthanol, acide succinique, acide acrylique et linalol), FranceAgriMer vise à dresser un tableau de la situation actuelle et des enjeux.

L’intérêt économique lié au développement des produits et matériaux biosourcés ainsi que l’émergence de méthodes alternatives utilisant des ressources renouvelables font de la biomasse une ressource de plus en plus sollicitée. A travers l’Observatoire National des Ressources en Biomasse (ONRB), FranceAgriMer collecte des informations nécessaires à la mesure des évolutions des filières utilisatrices de biomasse. FranceAgriMer recense les quantités de matières agricoles et sylvicoles mobilisées et les surfaces correspondantes afin d’anticiper d’éventuels conflits d’usages entre les différentes filières. Par cette étude, FranceAgriMer a souhaité élargir ses connaissances en matière de modèles économiques sur la valorisation non alimentaire et non énergétique de la biomasse.

Le choix des molécules visait à illustrer différentes chaînes de valeur et modèles économiques et considérer des molécules issues de l’ensemble des filières végétales agricoles et sylvicoles françaises jusqu’à leurs coproduits : filière de l’amidon, du sucre, des huiles végétales et de la lignocellulose. Par ailleurs, les besoins de la chimie de commodité et de la chimie fine ont été pris en compte ainsi que les niveaux de maturité différents et des évolutions technologiques nécessaires impliquant des partenariats divers.

S’appuyant sur une soixantaine d’entretiens avec des industriels, des acteurs de l’amont et des experts nationaux et internationaux, l’étude d’Alcimed a permis de décrire qualitativement et quantitativement les circuits de concentration et de transformation qui permettent de conduire, à partir de différentes matières premières (cultures végétales, sous-produits agricoles et sylvicoles, déchets ...) à l'élaboration des molécules d’intérêt et ainsi d’éclairer des voies de valorisation non-alimentaire.

Cette analyse a permis d’appréhender la production et l’utilisation de biomasse par différentes approches, à partir des matières premières, des processus de fabrication et des molécules obtenues et constitue une base devant permettre à terme de disposer de données supplémentaires concernant la mobilisation de tonnages de matières agricoles, sylvicoles et des surfaces correspondantes afin d’anticiper d’éventuels conflits d’usage.

1ère génération, 2ème génération, molécule plate-forme : définitions

Plusieurs termes ou expressions utilisées dans cette étude décrivent des concepts non encore stabilisés ou qui font l’objet d’un emploi non consensuel :

> On distingue traditionnellement : La 1ère génération...

Les molécules biosourcées de 1ère génération, à l’exemple des biocarburants de 1ère génération sont issues de la valorisation de l’organe de réserve de la plante. Par extension, l’expression de « 1ère génération » peut être appliquée aux processus permettant d’aboutir à la transformation de la matière première en molécule d’intérêt ainsi qu’aux plantes pouvant servir le plus couramment à ces transformations : céréales, betteraves, canne à sucre, pomme de terres, oléagineux, etc.

... de la 2ème génération

Les molécules biosourcées de 2ème génération permettent une valorisation plus importante de la plante, allant jusqu’à la valorisation de la plante entière, par l’exploitation de la cellulose et de la lignine de celle- ci. Tout comme pour la 1ère génération, le terme de « 2ème génération » est utilisé par extension au processus de transformation ainsi qu’aux plantes pouvant être utilisées.

Mais une autre approche est proposée par certains acteurs de la chimie du végétal. Elle distingue, non pas la 1ère et la 2ème génération mais les voies d’obtention basées sur l’utilisation :

-            des agro-ressources (céréales, betteraves, etc.)

-            des ressources lignocellulosiques.

> Molécule plate-forme

« Les molécules plate-formes (aussi appelées « building blocks »), sont des molécules à partir desquelles il est possible de produire d'autres molécules plus complexes, au moyen de techniques de transformation (chimiques, biotechnologiques...) »

 

Ainsi l’étude montre que pour l’Ethanol, une molécule biosourcée produite en masse, à vocation énergétique, pourrait trouver de nouvelles applications sous conditions de baisse de prix (chimie, pharmacie)

L’éthanol est une molécule issue de la biomasse qui peut être produite à partir de :

-            céréales, betteraves, canne à sucre (hors de France métropolitaine). Il s’agira alors d’éthanol dit

de 1ère génération,

-            ressources lignocellulosiques (bois, paille, etc.). Il s’agira alors d’éthanol dit de 2ème génération.

La production biosourcée représente plus de 98 % des volumes produits en France, la voie de première génération produisant pour l’instant la totalité des volumes.

Les volumes d’éthanol produits sont importants (17,6 Millions d’hectolitres) et destinés à différents usages :

-            alimentaire : boissons spiritueuses

-            énergétique : carburants

-            non-alimentaire et non-énergétique : parfums, cosmétiques, pharmacie, chimie

L’éthanol est majoritairement utilisé comme biocarburant, les applications chimiques et pharmaceutiques représentent des opportunités de développement. Il est à noter que 66 % de l’éthanol biosourcé sont utilisés comme source d’énergie. Une ouverture plus large, vers la chimie et la pharmacie notamment, est souhaitable. Elle ne sera possible que sous condition de baisse des prix, comparativement aux ressources fossiles, quelque soit la voie d’obtention.

 

S’agissant de l’Acide succinique, molécule d’origine pétrochimique, l’étude montre qu’avec une utilisation actuellement restreinte à des marchés de niche à haute valeur ajoutée, cette molécule pourrait trouver de nouvelles opportunités grâce à la valorisation industrielle de la biomasse.

L’acide succinique disponible sur le marché est actuellement fabriqué à partir de pétrole ou de gaz naturel. Sa production mondiale reste restreinte (30 à 35 kt /an) car son prix est élevé. Des projets de R&D permettant de biosourcer cette molécule sont menés notamment en France mais leurs développements industriels sont en cours à l’étranger (hors-Europe). L‘utilisation de matière premières biosourcées devrait permettre de faire diminuer le prix et ainsi d’élargir le champ d’application de la molécule actuellement limité à certaines applications en peinture, en pharmacie, etc.

Un marché de l’acide succinique pétrochimique actuellement limité aux applications à haute valeur ajoutée

L’acide succinique, en raison de son prix de vente élevé (entre 2 et 4 €/ kg), n’est actuellement utilisé que dans des marchés à forte valeur ajoutée.

L’acide succinique peut-être obtenu à partir de glucose pouvant provenir d’agro-ressources ou de ressources lignocellulosiques. Les projets de production d’acide succinique, encore au stade de pilote R&D, sont au nombre de deux en France. Seule la voie d’obtention utilisant l’amidon est actuellement étudiée.

La filière basée sur les agro-ressources est au stade embryonnaire. La filière lignocellulosique n’est pas développée pour l’instant.

Les projets R&D peuvent être classés en deux catégories selon les acteurs qui les composent et leur dynamique partenariale :

- une logique simple d’acteurs, couplant des acteurs majeurs agro-industriels et de la chimie

- une forte dynamique partenariale, dont les leaders sont issus du monde des biotechnologies et de la chimie.

 

Concernant l’Acide acrylique, l’étude révèle que cette molécule d’origine pétrochimique a des débouchés dans de nombreux marchés en croissance, pour laquelle deux voies de production biosourcée sont en développement.

L’acide acrylique est une molécule actuellement produite à partir de propylène. Elle trouve des débouchés dans de nombreux marchés en croissance, pour une production mondiale de plus de 4 millions de tonnes par an et un chiffre d’affaires entre 9 et 11,5 milliards d’euros. Des contraintes liées au prix et aux volumes disponibles de propylène, combinées à des demandes de « verdissement » des clients, amènent les chimistes producteurs à rechercher de nouvelles voies d’obtention, notamment à partir du glycérol.

Un marché déjà développé, à partir du pétrole, bénéficiant d’une demande croissante

La voie glycérol biosourcée est la voie alternative dominante en Europe

L’acide acrylique peut être obtenu par le traitement du glycérol, coproduit du biodiesel, ou par fermentation des sucres :

-            les voies « glycérol » sont développées par les agro-industriels, principalement en Europe et en France, en raison d’une recherche de valorisation des volumes de glycérol induit par la production de biodiesel.

-            l’obtention par fermentation des sucres est développée principalement aux Etats-Unis, via des entreprises biotechnologiques, en partenariat avec les chimistes, dans un contexte de moindre production de biodiesel entrainant une disponibilité moindre en glycérol.

Les projets à partir de glycérol sont issus de la rencontre d’intérêts entre les chimistes cherchant de nouvelles voies d’obtention et les agro-industriels cherchant à valoriser leur production de glycérol. Les hausses de prix du propylène et les demandes des clients conduisent les chimistes à s’intéresser à l’utilisation de la biomasse.

 

Enfin, le Linalol, fortement présent dans les huiles essentielles de lavande et de lavandin dont la France est le premier producteur mondial, l’étude montre qu’il subit la concurrence de la molécule extraite d’autres sources de biomasse ou obtenue par synthèse chimique.

Le linalol est l’un des composants de l’huile essentielle de lavande et de lavandin. C’est également une molécule qui peut être extraite de nombreuses sources de biomasse, dont principalement le bois de hô et le bois de rose4 ou obtenue par synthèse chimique, à partir de pin ou de pétrole.

En France, les huiles essentielles de lavande et lavandin sont utilisées en l’état en raison des qualités de l’ensemble de leurs composants (la molécule de linalol n’est pas extraite des huiles). La production annuelle française est estimée à environ 80 t d’huile pour la lavande et de 1 100 t d’huile pour le lavandin.

L’extraction de la molécule de linalol à partir d’huiles essentielles ou sa production par synthèse chimique a lieu hors de France. La production mondiale est estimée entre 15 et 20 kt par an.

Des marchés diversifiés :

De par ses propriétés, la molécule de linalol est utilisée dans plusieurs secteurs d’application, principalement pour la composition d’arômes et de parfums.

De multiples voies d’obtention biosourcées ou non

Le linalol est obtenu par transformation de biomasse ou par synthèse pétrochimique :

-            Au regard du périmètre de l’étude, sont considérés comme issus de biomasse le linalol de synthèse à partir de pin, le linalol naturel ainsi que les huiles essentielles de lavande et de lavandin.

-            Au regard de la réglementation en vigueur, le linalol de synthèse à partir de pin, bien qu’issu de biomasse, est classé par dans la catégorie des produits de synthèse, au même titre que le linalol issu de ressources pétrochimiques, en raison des processus chimiques de transformation.

-            La réglementation ne considère donc que le linalol naturel et les huiles essentielles comme des produits naturels.

En France, les cultures de lavande et de lavandin permettent, par distillation, l’obtention d’huiles essentielles de qualité. Ces huiles essentielles ayant leur valeur propre ne sont pas fractionnées afin d’obtenir des molécules de linalol. Elles sont utilisées en l’état principalement dans des applications haut de gamme (parfumerie fine principalement). Ainsi, il n’existe aucune production de linalol sous forme de molécule en France et les perspectives de développement apparaissent quasi-nulles :

-            la production à partir de pétrole est dominée par BASF (Allemagne) et DSM (Suisse) qui sont les deux principaux producteurs mondiaux et qui ne laissent pas de place à de nouveaux entrants sur le marché

-            l’utilisation des terpènes5 ne se développe pas car les productions de BASF et DSM satisfont les besoins du marché en Europe.

Les principaux acteurs des filières de production d’huiles essentielles de lavande et de lavandin sont les producteurs, souvent organisés en coopératives ainsi que les négociants. Les utilisateurs finaux sont pour la plupart des parfumeurs.

Un enjeu pour le filière française : se maintenir dans un marché mûr et concurrentiel

Les filières huiles essentielles de lavande et de lavandin étant entièrement biosourcées en France, leur maintien constitue, de par leur importance, un enjeu pour la France :

-                  90 % des surfaces de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (soit ~12 000 ha de lavandin et 4 000 ha de lavande),

-                  2 000 producteurs et 25 000 emplois induits,

-                  la lavande et le lavandin sont à la base de nombreuses activités économiques directes ou indirectes : agricoles avec le miel de lavande (environ 15 à 20 millions d’euros sur la Provence- Alpes-Côte d’Azur), industrielles ou artisanales avec la parfumerie et les cosmétiques principalement. Ces cultures contribuent également aux performances touristiques et culturelles de la région.

La position de leader de la France pour la production d’huiles essentielles de lavande et lavandin est menacée, le linalol synthétique jouant un rôle central. La molécule de synthèse est de plus en plus utilisée pour la formulation de produits entrant en concurrence avec les huiles essentielles. Le premium vert ne jouant pas suffisamment pour garantir la part de marché des huiles essentielles ou du linalol naturel vis-à-vis du synthétique, les producteurs français vont devoir trouver d’autres opportunités pour assurer un maintien des débouchés.


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