Quels leviers actionner pour mobiliser le potentiel disponible des toits plats et
mettre en œuvre la végétalisation des toitures …
Une étude menée par l’APUR sur le potentiel de végétalisation des toitures terrasses de Paris, montre qu’au-delà des enjeux relatifs aux envies des citadins de disposer de plus de nature en ville, la question de la végétalisation représente un enjeu majeur pour Paris. Cet enjeu est identifié comme un des axes majeur du Plan de Biodiversité et un des leviers d’adaptation de la ville au changement climatique.
Cette étude s’inscrit dans cette démarche globale d’amélioration de la qualité environnementale de Paris. L’objectif est de fournir à la Ville de Paris les éléments techniques qui lui permettront de développer la végétalisation des toitures qui représente un potentiel total de 460 hectares. 80 ha pourraient le devenir rapidement et les 380 restants demandant des adaptations plus conséquentes en complément des 44 ha déjà végétalisés.
Le diagnostic des toitures plates existantes propose une évaluation des principales contraintes techniques liées à la mise en œuvre d’un système de végétalisation sur des bâtiments existants et, à partir de ces éléments réfléchit à différents leviers pour augmenter les surfaces et développer ainsi la trame verte à Paris :
• poursuivre et élargir la politique de création de toitures végétalisées sur le patrimoine de la Ville ;
• développer des outils et des partenariats avec les bailleurs sociaux ;
• adapter les outils réglementaires ;
• mettre en place un dispositif d’incitation financière et développer des outils d’information et de communication.
80 hectares : c'est la surface de toitures terrasses présentant un fort potentiel de végétalisation à Paris. La capitale compte pour le moment 44 hectares de toitures végétalisées, soit 1,4 % des espaces verts de la ville, alors que la végétalisation de la ville est identifiée comme étant un des leviers d’adaptation de la ville au changement climatique.
L’identification des toitures plates à Paris repose sur l’analyse du fichier des hauteurs de bâtiment (MNE), pour isoler les toitures présentant une pente inférieure à 2 %. Ce résultat est ensuite croisé avec l’interprétation de l’image proche infrarouge qui permet d’isoler les revêtements de toiture par classe de couleur (béton, graviers). Ce croisement permet de faire ressortir le potentiel brut des toitures terrasses à Paris.
Le fort potentiel de toitures plates végétalisables est constitué de plus de 3000 bâtiments dont les toitures couvrent une superficie de 80 hectares.
Le croisement de ce potentiel avec la typologie des propriétés foncières a permis de distinguer les principaux groupes de propriétaires. Parmi eux se distinguent les mono-propriétés publiques de la Ville de Paris et des bailleurs sociaux qui constituent un levier d’action privilégié pour poursuivre l’action publique en matière de végétalisation des toitures.
Le patrimoine Ville de Paris est réparti de façon relativement homogène sur l’ensemble du territoire, à l’exception des quartiers centraux. Le patrimoine des bailleurs sociaux est quant à lui fortement concentré sur les 12e, 13e et 20e arrondissements, plus faiblement sur les 15e et 18e, et plus rarement sur les autres arrondissements parisiens.
L’approfondissement de l’analyse des 337 terrasses (14 hectares) du domaine de la ville et des 99 toitures (2 hectares) des bailleurs sociaux permettra de cibler avec précision, arrondissement par arrondissement, l’ensemble des toitures pouvant faire l’objet d’un programme de végétalisation dans le cadre des objectifs inscrit dans le plan biodiversité de la Ville de Paris.
Il ressort de cette étude que Paris dispose de 44 hectares de toitures végétalisées (1,2 % de l’ensemble des toits de la ville) et un potentiel brut de 460 hectares dont 80 hectares à fort potentiel sont disponibles depuis de nombreuses années (bâtiments datant dans l’ensemble des années 1960 à 1980). La présence de ce potentiel n’a donc pas sui à inciter à la végétalisation. Les raisons qui ont pu freiner le développement des toitures végétalisées sont à chercher sous plusieurs angles :
• le surcoût engendré ;
• la réglementation peu incitative ;
• la rigidité des règlements de copropriété ;
• l’efficacité limitée des principes de subvention ;
• la méconnaissance des bénéfices directs et indirects de la végétalisation ;
• le manque de sensibilisation aux questions environnementales et au développement durable.
Quels leviers actionner pour mobiliser le potentiel disponible des toits plats et mettre en œuvre la végétalisation des toitures à Paris ?
1 – Poursuivre et élargir la politique de création de toitures-terrasses végétalisées engagée par la ville depuis 2005 et développer des outils et des partenariats pour associer les bailleurs sociaux à cette politique ;
La Ville de Paris est propriétaire de 14 des 80 ha recensés comme ayant un fort potentiel de végétalisation. Depuis 2005 la Ville de Paris a mis en place une politique de création de toiture-terrasse végétalisées pour chaque projet d’équipement public nouveau ou de réfection d’étanchéité des toitures gravillonnées des équipements publics existants. Cette approche a permis de créer plus de 4 ha de toitures végétalisées entre 2005 et 2010. Les bailleurs sociaux sont des partenaires sensibilisés par cette problématique dans la mesure où ils gèrent un patrimoine bâti important dont 99 immeubles couvrant 2 ha de toitures plates à fort potentiel. Cependant, les premières analyses notamment de Paris-Habitat semblent montrer des difficultés de mise en œuvre de toitures végétalisées dans leur patrimoine pour des raisons liées essentiellement à la gestion et au surcoût engendré.
La modestie relative de ce patrimoine s’explique par le mode de classification des toitures employé ici, reléguant à un potentiel moyen les toitures encombrées à plus de 30 % par divers éléments (climatisation, ascenseurs, nacelles, etc.). Cet encombrement ne les rend pas prioritaire mais n’exclut pas pour autant de mener une réflexion adaptée à ce contexte particulier.
2 – Adapter les outils réglementaires pour inciter la végétalisation des toitures existantes et à venir ;
La Ville de Chicago a réalisé un bilan de son action ces dix dernières années sur la végétalisation des toitures. Il en ressort que les motifs de végétalisation tiennent pour plus de 90 % à la mise en place d’une réglementation, environ 5 % pour les incitations financières octroyées et moins de 3 % pour conviction personnelle (symposium international Ville de Paris, nov. 2012).
Les avantages évidents offerts par les toitures vertes ont incité de nombreuses communes de Suisse telle que Basel à mettre en application des normes prescrivant un verdissement extensif des toitures plates sur les nouvelles constructions.
La réglementation Suisse stipule que toute interférence avec l’environnement naturel doit être réduite au minimum, et que le sol doit être utilisé de manière durable. La loi fédérale sur la conservation de la nature et du patrimoine culturel exige que les espèces en voie de disparition soient convenablement protégées. En vertu de ces règlements, le canton de Bâle intègre la conception et l’utilisation de substrats pour les toits verts extensifs dans le cadre de sa stratégie actuelle pour la biodiversité. En général, une toiture végétale doit être mise en place sur tous nouveaux bâtiments comprenant un toit plat.
Sur les toits de plus de 500 mètres carrés, les substrats doivent être constitués à partir des sols naturels de la région environnante et doivent être de différentes profondeurs. (Loi sur la Nature et la conservation du paysage § 9 ; Loi sur la construction et la planification § 72).
La réglementation a un rôle significatif à jouer dans la réalisation des toitures végétalisées. En 2006, l’article 123 du PLU a introduit pour la première fois à Paris la possibilité de réaliser des toitures végétalisées mais n’oblige pas à le faire. La réalisation de 10 ou 15 % de végétalisation supplémentaire dans la zone de déficit (en plus des 20 % de pleine terre) est soit, à réaliser en pleine terre, sur dalle, en mur végétalisé ou en toiture végétalisée avec des coefficients de pondération.
Comment aller plus loin ?
Quelles améliorations du PLU après la création le coefficient de biotope en 2006 et le zonage pluvial en cours de préparation ?
Les exemples mis en place dans d’autres villes peuvent apporter des pistes de réflexions utiles pour la prochaine révision du PLU. Il serait opportun de réfléchir à la mise en place d’un dispositif plus exigeant pour la réalisation de toitures en fonction de paramètre à déterminer (surface de toiture, type de programme, SHON...). Il convient également au-delà de cet aspect quantitatif d’introduire une notion qualitative de la végétalisation avec une pondération selon le type de végétalisation des toitures et leurs capacités de rétention des eaux pluviales.
• Associer la végétalisation à la surélévation
La surélévation d’immeuble est un phénomène ancien dans une ville dense comme Paris. À l’avenir il devrait être systématiquement l’occasion de recréer en couronnement de bâtiments la création d’une toiture végétalisée.
• Déplafonnement potentiel
Pour favoriser la réalisation de toitures terrasse végétalisées, il apparaît nécessaire d’adapter la réglementation à cet objectif pour permettre la mise en œuvre de toitures terrasses végétalisées en substitution à une toiture en pente ou la reprise d’une toiture plate générant un dépassement de hauteur du à l’installation d’émergence (escalier, ascenseur) ou de garde-corps (protection). Cette tolérance mais faible (+ 1 m) est déjà possible dans l’actuel PLU pour des installations de dispositifs d’énergie renouvelables. Il s’agit ici, d’élargir cette souplesse réglementaire aux toitures-terrasses végétalisées.
• Prendre en compte la végétalisation des toitures en pente (zinc) paysage. Exemples (Île Saint-Louis, Saint-Michel) Au-delà des toitures plates susceptibles de recevoir de la végétalisation, une autre question plus transversale apparaît, elle a trait au patrimoine et au paysage des rues. Il s’agit des toits en pente (à deux versants), brisés ou courbés suivant la forme. Dès lors que certains d’entre eux connaissent déjà des transformations partielles ou totales en installant soit une végétalisation, soit une terrasse accessible. La problématique des toits se pose en termes de choix esthétique, alors, jusqu’où peut-on aller dans la transformation des toits de Paris pour intégrer des questions telles que la gestion des eaux pluviales, les énergies renouvelables, la végétalisation en regardant en parallèle la question du contrôle de la forme du paysage des toits de Paris ? Dans certaines parties constituées historiques de la ville cette question du paysage urbain pourrait avoir un impact selon qu’on se place du point de vue du piéton ou d’une vue d’hélicoptère. Néanmoins, on peut considérer que les soupentes inhabitables (combles) des toits peuvent être remaniées en souplesse pour agencer des terrasses côté cour tout en préservant la partie en pente du toit, côté rue. Cette modification pourrait concerner beaucoup de toits dans le centre de Paris où le déficit végétal est plus important.
3 – De nouveaux espaces de nature pour les habitants (jardiner, pique-niquer, se détendre)
La végétalisation des toitures répond à des objectifs environnementaux (biodiversité, ICU), mais au-delà, elle constitue aussi une réponse à la demande sociale de plus de nature, de plus d’usages et de pratiques pour les citadins. La végétalisation pourrait concerner de nouveaux espaces dans les copropriétés pour des usages privés, mais aussi des espaces accessibles à un large public sous des formes à définir. Si des exemples de terrasses végétalisées ouvertes au public existent déjà (jardin associatif sur le toit du gymnase de la rue des Haies), l’objectif de réalisation de 15 jardins accessibles prévus par le Plan Biodiversité de Paris reste à concrétiser, tant les enjeux de la demande sociale et de la qualité de vie urbaine restent omniprésents...
4 – Mettre en place un dispositif d’incitation financière pour inciter à la végétalisation des toitures ;
• directs : subvention pour les projets de végétalisation (particuliers, copropriétés) ;
• indirects : réduction des taxes ou impôts pour les gains énergétiques, les avantages de la gestion des eaux de pluie (propriétaires fonciers).
La région Ile-de-France propose aux particuliers propriétaires de leur résidence principale de créer des toitures végétalisées un dispositif d’incitation financière (45 €/m2, puis 20 €/m2). Cette aide est assujettie à des conditions pour les demandeurs (ressources), pour les installateurs en charge des travaux (avoir l’appellation Qualit’Enr ou une certification Qualibat en cours de validité concernant l’installation) ; et pour le matériel installé. Aujourd’hui, il convient d’évaluer ce dispositif afin d’optimiser son efficacité et le cas échéant proposer une évolution de ses critères pour le rendre plus attractif.
La Ville de Paris pourrait également étudier la mise en place d’un dispositif complémentaire pour encourager la végétalisation des toitures.
À cet égard, il serait judicieux d’inclure dans ce dispositif d’incitation les copropriétés comme cible privilégiée puisqu’elles représentent un fort potentiel en matière de végétalisation des toitures. Les préconisations devraient cibler également différents cas de figure notamment des immeubles de plusieurs étages, en copropriété ou en propriété unique, etc.
6 – Associer végétalisation/surélévation/ installation de panneaux solaires ;
Le dispositif d’incitation devrait prendre en compte les projets multisectoriels qui associeraient par exemple surélévation et végétalisation, ou encore végétalisation et installation de panneaux solaires.
7 – Développer des outils d’information et de communication ;
Quels outils méthodologiques ? Les compétences techniques constituent un critère de réussite des chantiers de végétalisation des toitures et de leur pérennité. Plusieurs corps de métiers sont susceptibles d’intervenir sous la diction d’un maître d’œuvre. Pour assurer la réussite des projets, il s’agit d’instituer une chaîne de compétences spécifiques en matière de végétalisation des toitures. Au-delà des dispositifs existants : « le cahier technique » de la DEVE et « le cahier habiter durable : végétalisation des murs et des toits » de la mairie de Paris, il convient d’imaginer d’autres outils qui favoriseraient la vulgarisation, l’expérimentation et l’échange sur la végétalisation des toitures (fiches, guides, lieu d’information, formation, partenariat...). L’Agence Parisienne du Climat pourrait peut-être être intégrée à la chaine de compétences.
Étude sur le potentiel de végétalisation des toitures terrasses à Paris