L’encadrement
des loyers, un mécanisme fondé sur le loyer médian…
Dans les zones de tensions fortes entre l'offre et la demande, les niveaux de loyer sont devenus tels que le budget des foyers a fondu en raison d’une dépense qui correspond à environ 40 % de leur renenu.
Entre bulles spéculatives et un marché tendu sont les principales causes de loyers élevés.
Le gouvernement Ayrault a souhaité réguler le marché en créant un mécanisme d’encadrement des loyers, afin de contenir une évolution des prix supportable et protéger le budget des Français.
Le décret d’urgence pris dès l’été 2012 par Cécile Duflot a été un premier signal politique fort. Pour répondre à l’urgence, le Gouvernement a agi par décret en utilisant les quelques marges de manœuvre encore permises par la loi actuelle, lançant du même mouvement un travail de fond avec pour l’objectif la création d’un mécanisme d’encadrement des loyers.
Le mécanisme proposé dans le projet de loi Alur va donc plus loin que le décret. Il est à la fois exigeant et équilibré et va permettre d’encadrer durablement les loyers tout en conjurant le risque d’un blocage administratif qui gèlerait le secteur de la location. L’objectif est bien de :
- éliminer les loyers excessifs, voire abusifs, constatés dans les secteurs les plus tendus ;
- limiter le niveau des loyers ;
- contenir fermement la progression des loyers ;
- préserver le pouvoir d’achat des Français ;
- faciliter l’accès au logement.
Un dispositif appliqué en zone tendue
Seront concernées par le nouveau dispositif les zones dites « tendues ». Elles correspondent aux 28 agglomérations de plus de 50 000 habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements et soumises à ce titre à la taxe sur les logements vacants : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch – Arcachon, Lille, Lyon, Marseille – Aix-en-Provence, Meaux, Menton – Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse.
Ce périmètre permettra l’observation de 4,6 millions de logements, soit 70 % du parc de logements locatifs privés.
Ces territoires devront être dotés d’un observatoire local des loyers, agréé par l’État et dont les méthodes de récolte et de traitement des données seront supervisées par un comité scientifique indépendant au niveau national. Cet outil permettra d’avoir une connaissance complète et précise du montant des loyers, par type de bien et par secteur géographique.
À noter que les observatoires ne tiendront pas compte uniquement des loyers à la relocation, mais qu’ils intègreront l’ensemble des loyers pratiqués sur un même territoire (c’est-à-dire à la fois le « flux » des nouveaux loyers, mais aussi le « stock » de tous les loyers, même les plus anciens qui sont par hypothèse les moins élevés).
Un réseau en cours de déploiement
En décembre 2012, une première phase de mise en place a été engagée sur 19 sites pilotes, répartis sur l’ensemble du territoire et qui vont permettre d’observer un parc d'environ 2,6 millions de logements, soit près de 40 % du parc locatif privé.
Ces expérimentations s’appuient sur certains dispositifs locaux d’observation des loyers déjà existants, issus d’initiatives locales impulsées par des agences départementales d'information sur le logement (Adil), des agences d’urbanisme, des services déconcentrés de l’État.
Chacun de ces observatoires est le fruit d’une collaboration d’acteurs multiples : collectivités locales, ADIL, agences d’urbanisme, fédérations et syndicats de l'immobilier, acteurs du logement social, caisses des allocations familiales, associations représentant les locataires, etc. Le projet de loi prévoit l’obligation, pour les professionnels de l’immobilier, de collaborer et de communiquer leurs données à l’observatoire des loyers.
Ces 19 sites pilotes seront pleinement opérationnels avant la promulgation de la loi, début 2014. Dès l’automne 2013, un second appel à projet national sera lancé pour la généralisation de ce dispositif. Les sites qui se mettront en place durant cette seconde phase devraient fonctionner dès mi-2014.
Un mécanisme stable, fondé sur le loyer médian
À partir des données représentatives des loyers pratiqués produites par les observatoires des loyers, le préfet de département prendra chaque année un arrêté qui fixera, pour chaque catégorie de logement et par quartier, trois indicateurs de loyers :
- un loyer médian de référence (attention, le loyer médian n’est pas le loyer moyen, voir encadré ci-dessous), calculé à partir du « stock » de tous les loyers existants, ce qui le placera d’emblée très en-dessous du niveau auquel les logements sont aujourd’hui loués ou reloués dans la zone concernée ;
- un loyer médian de référence majoré, dont le niveau sera fixé chaque année, par décret, sur chaque territoire et qui ne pourra excéder 20 % au-dessus du loyer médian de référence, ce qui créera l’intervalle de fixation libre des loyers ;
- un loyer médian de référence minoré.
Ces données seront mises à la disposition du public. Dans le contrat de location, seront stipulés le loyer médian majoré et le loyer appliqué au locataire précédent, de façon à favoriser la plus grande transparence.
Le loyer médian, la valeur sûre
Loyer moyen/loyer médian
Le loyer moyen calcule la moyenne des prix des loyers (somme de tous les loyers divisée par le nombre de loyers considérés). Le loyer au m2 médian est celui qui divise en deux groupes égaux en nombre les loyers considérés : la première moitié des loyers lui est inférieure, la seconde, supérieure.
Prenons un immeuble de 10 logements. Si le loyer médian est de 20 €/m2, cela signifie que cinq logements affichent un loyer supérieur à 20 €/m2 et que les cinq autres ont un loyer moins cher. Dans cet immeuble, le loyer moyen pourrait être de 25 €/m2, si certains loyers sont élevés, ou de 15 €/m2 si certains loyers sont très peu onéreux.
Le loyer moyen est plus volatile. Il suffit que quelques-uns des 10 loyers augmentent fortement pour que le loyer moyen augmente.
Le loyer médian dispose d’une inertie plus forte : il ne bouge que si un des cinq loyers inférieurs à 20 €/m2 dépasse cette valeur médiane de 20 €/m2. Ainsi, les loyers peuvent tous augmenter de valeur : du moment que cinq des dix loyers demeurent inférieurs à 20 €/m2, le loyer médian ne connaîtra aucune augmentation.
Un quart des loyers baissera en région parisienne
Sur tous les territoires concernés, l’entrée en vigueur de la loi impliquera une baisse du niveau des loyers, dans la mesure où tous les loyers situés au-dessus du loyer médian de référence majoré auront vocation à être abaissés pour être ramenés dans la fourchette de fixation libre des loyers.
Il est possible de calculer l’impact que le mécanisme aurait s’il était dès à présent appliqué dans l’agglomération parisienne, qui bénéficie déjà de la base de données de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap).
D’après les données de l’Olap, 26,5 % des biens mis en location en 2012 en région parisienne affichent un loyer supérieur au loyer médian majoré au niveau maximum de 20 %.
Ainsi, en Île-de-France, un locataire sur quatre emménageant au moment de l’entrée en vigueur du dispositif verra le loyer abaissé et ramené dans la fourchette.
Exemple 1 – un deux-pièces en proche banlieue
Une annonce immobilière propose un deux-pièces de 39 m2 à Issy-les-Moulineaux pour 940€ hors charges, soit 24,1 €/m2. D’après les données de l’Olap, le loyer médian majoré pour cette zone et ce type de logement est de 20,4 €/m2, ce qui donnerait un loyer mensuel de 795,6 €. L’économie réalisée par le futur locataire pourra atteindre 144,40 € par mois, soit près de deux mois de loyer par an !
Exemple 2 – un studio dans le centre de Paris
Une autre annonce propose un studio de 26 m2 dans le 6e arrondissement de Paris pour 1 000 € hors charges, soit 38,4 €/m2. D’après les données de l’Olap, le loyer médian majoré pour cette zone et ce type de logement s’élève à 30,8 €/m2 ; le loyer mensuel devrait donc s’élever à 800,80 €. L’économie réalisée pour le locataire se montera donc à 2 390,4 €/an, soit près de 2,5 fois le loyer !
Pour les nouveaux contrats de bail
Sur les territoires concernés, le loyer hors charges fixé dans le contrat pour les nouvelles locations ou les relocations ne pourra excéder le loyer médian de référence majoré, correspondant aux caractéristiques du logement (surface et quartier). En deçà de ce plafond, le loyer sera fixé librement par les parties. Le loyer médian et le loyer médian majoré devront figurer dans le bail, pour l’information du locataire.
Pour certains logements présentant des caractéristiques exceptionnelles qu’il faudra justifier dans le bail (grande terrasse, hauteur sous plafond exceptionnelle), le contrat pourra déroger à ce plafond en imputant au loyer un complément de loyer exceptionnel.
Dans ce cas, le locataire disposera, dans les 3 mois suivant la signature du bail, de la possibilité de demander une diminution ou une annulation de ce complément de loyer. Cette demande comprendra nécessairement, en premier lieu, une phase amiable formalisée par une tentative de conciliation. Une fois ces démarches effectuées et en cas d’échec de la phase amiable, la demande du locataire peut être portée devant le juge qui déterminera, le cas échéant, la diminution du complément de loyer.
Pour le renouvellement des baux en cours
Lors du renouvellement d’un bail en cours, si le locataire habite un logement situé dans une zone concernée par le dispositif et dont le loyer est supérieur au loyer médian majoré, il pourra entreprendre un recours en diminution du loyer dès lors que le loyer est supérieur au loyer médian de référence majoré.
Est également créé, acontrario, la faculté pour le bailleur d’introduire un recours en réévaluation du loyer si le loyer jusqu’alors appliqué est inférieur au loyer médian de référence minoré, avec une possibilité d’étalement de la hausse pour le locataire.
Le locataire ou le propriétaire devra exprimer son souhait de voir évoluer le loyer à son co-contractant au moins 6 mois avant la date de renouvellement du bail.
En cas de désaccord entre les parties sur ce réajustement, il est prévu une procédure amiable de règlement du litige devant de la commission départementale de conciliation. Ensuite, en cas d’échec de la procédure de conciliation, il sera possible de saisir le juge.
Contenir la progression des loyers
Le mécanisme proposé par le projet de loi ne fige pas le montant des loyers, il vise à contenir très strictement l’évolution à la hausse pour qu’elle progresse au même rythme que les revenus des locataires.
La révision annuelle du loyer en cours de bail, limitée à l’indice de référence des loyers (IRL), interviendra dans les mêmes conditions que celles prévues initialement dans la loi de 1989.
À la relocation et/ou au renouvellement du bail, un bailleur pourra aussi augmenter son loyer à l’IRL, sous réserve que ce nouveau loyer reste inférieur au loyer médian de référence majoré.
Le gouvernement prendra en effet chaque année un décret limitant à l'IRL les hausses de loyer à la relocation et au renouvellement du bail dans les zones les plus tendues. Ainsi, pour les logements dont le loyer serait inférieur au loyer médian ou au loyer médian majoré, il ne sera pas possible d'augmenter fortement le loyer pour mettre leur bien au niveau du plafond. Cette disposition sera d'autant plus efficace que le projet de loi prévoit que le loyer de l'ancien locataire devra figurer au nouveau bail (voir page 12).
Seule exception visant à permettre l’entretien du parc locatif, en prévision ou à la suite de travaux d’amélioration : une majoration de loyer pourra intervenir, avec l’accord des deux parties, via une clause spécifique ou un avenant au contrat.
Le dispositif global permettra donc aux loyers d’évoluer, mais grâce à la stabilité du loyer médian, l’augmentation restera contenue.
Création d’un formulaire type pour le bail et l’état des lieux
Le projet de loi propose de mieux sécuriser le contrat de location en imposant aux parties d’établir le bail conformément à un bail type, qui sera défini par décret. De nouvelles mentions obligatoires sont prévues, comme :
- le nom du locataire ;
- les équipements ;
- le montant et la description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement ;
- le montant du loyer médian de référence dans la zone où est situé le logement ;
- le montant du dernier loyer acquitté par le dernier locataire.
Le contenu des états de lieux d’entrée et de sortie sera fiabilisé de façon à favoriser leur comparaison et à diminuer le contentieux. Un modèle type d’état des lieux sera défini par décret. Les modalités d’établissement de cet état des lieux sont, de plus, davantage encadrées, notamment par un parallélisme des formes entre l’état de lieux d’entrée et de sortie et la remise d’un exemplaire signé à chacune des parties.