L’Eco-Quartier Danaube présenté aux « défis de ville »
La rencontre entre Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg et Christian Devillers, architecte-urbaniste a permis de présenter le projet d’aménagement de l’écoquartier Danube.
Ce débat organisé en partenariat avec l’hebdomadaire Le Moniteur des Travaux publics et du Bâtiment et animé par Frédéric Lenne, directeur du département Architecture, urbanisme et technique du Groupe Moniteur permet la confrontation entre un élu local et donc maître d’ouvrage et un architecte ou un urbaniste, qui ont pour objectif d'exposer les conditions de réussite d'un projet architectural ou urbain exemplaire.
Après avoir présenté le grand projet urbain " Strasbourg : de nouveaux horizons vers ‘’les deux rives’’ … Plus qu’un simple quartier écologique, l’eco-quartier entre dans un véritable processus didactique, pour Christian Devillers, urbaniste en chef du futur quartier, le Danube, il doit s’inscrire dans un engagement durable afin de créer des lieux de vie attractifs et agréables en ville pour les habitants d’aujourd’hui, en préparant et préservant celui des générations futures et réveillant le côté architectural et urbain de la ville. De nouvelles formes urbaines se manifestent résultant principalement de la modification des modes de vie et des usages. Cette nouvelle façon de pensée construit la ville de demain, entre mobilité et mixité, la ville est aujourd’hui segmentée: logements, commerces et entreprises se situent le plus souvent dans des espaces distincts et monofonctionnels (zones d’activités, zones commerciales, lotissement). Les déplacements motorisés deviennent indispensables, accentuant ainsi les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. Par ailleurs, les prix élevés des terrains au centre ville contribuent à repousser les ménages les plus modestes en périphérie, entrainant une ségrégation entre les ménages de cultures, de conditions sociales et d’âges différents. Christian Devillers a établi une conception du projet urbain du Danube axée sur la question de la mobilité, souhaitant un quartier d’échanges et de rencontres.
Comment habiter et travailler dans des lieux limitant les temps de déplacement ? Comment faire pour que commerces, équipements et services construisent une ville de la proximité ?
Situé sur l’axe Heiritz-Kehl, le futur écoquartier Danube occupe un emplacement stratégique entre le quartier de l’Esplanade et celui de Neudorf. Au cœur d’une dynamique urbaine forte et ambitieuse qui tend à faire se déplacer le centre de gravité de Strasbourg vers l’Est, dans le prolongement de la promenade du Bassin d’Austerlitz, à proximité immédiate de la future promenade du Bassin Dusuzeau et de la première tour de logement de Strasbourg, ce secteur de projet offre aujourd’hui l’opportunité de créer un morceau de ville intégré, et de résorber une fracture urbaine tout en mettant en œuvre - en grandeur nature - un laboratoire de la ville de demain, dans la continuité des quartiers existants.
Les quelques 650 logements et les activités seront construits au sein d’immeubles collectifs, le quartier proposant 2 façades, un front urbain donnant sur le boulevard (route du Rhin) et rassemblant l’essentiel des activités, et une façade largement ouverte sur l’eau.
Danube occupe une situation stratégique dans la ville : à 15 minutes à pied de la cathédrale, desservi par 2 lignes de tramway, il est situé entre les quartiers du Neudorf et de l’Esplanade. Il permettra de rapprocher le Neudorf du centre ville de Strasbourg, et s’inscrit dans le grand projet de développement « Heyritz-Kehl », qui porte sur la reconquête de 250 hectares de friches en direction du Rhin et de l’Allemagne.
Le projet Danube se situe dans la zone de friches portuaires qui constituaient le front défensif sud de l’enceinte allemande, achevée en 1885. A partir de la loi de 1922 et jusque dans les années 1980, l’emprise des fortifications a été une zone peu ou non constructible, qualifiée de « ceinture verte ». Les friches portuaires de l’axe ouest-est entre le centre de Strasbourg et le Neudorf ont depuis des décennies un aspect de no man’s land, séparant des parties de ville qui se « tournent le dos ». Comme un rappel de la présence des industries portuaires implantées le long du Rhin, ce secteur n’en a pourtant plus la fonctionnalité depuis longtemps.
Contrairement à ce qu’on pouvait en espérer, les imposantes opérations construites progressivement dans le secteur ne créent que peu de liens entre elles et avec les quartiers voisins (Hôtel de Police, CUS, Cité de la Musique, multiplexe, archives communautaires et départementales, Vaisseau).
Pour le projet Danube, l’enjeu est donc de créer un pont urbain qui facilitera la rencontre entre quartiers, déjà facilité par les nouveaux ponts Churchill et Danube.
L’ambition de la SERS et de la CUS est de réaliser sur ce secteur un laboratoire de recherche de la ville durable. Malgré les problèmes de pollution des sols, déjà largement gérés, le futur écoquartier Danube possède de nombreux atouts en matière environnementale. Très bien desservis par les transports en commun dont le tramway (2 lignes à termes) et le réseau viaire (RN4), le quartier Danube a le potentiel de devenir un véritable quartier dans lequel la place de la voiture serait réellement limitée.
La mise en place d’une politique de compensation volontariste en faveur des modes doux à toutes les échelles - depuis le logement jusqu’aux portes du quartier s’appuiera sur un travail fin de concertation avec tous les partenaires du projet.
L’innovation d’un éco-quartier par rapport à un quartier classique est de repenser la place de la voiture et de concevoir l’espace urbain en fonction des transports alternatifs (marche à pied, vélo, bus, tramway,...). Les cheminements internes au quartier sont dédiés prioritairement aux piétons et cyclistes : sûrs et agréables, ils facilitent aussi l’accès aux arrêts de transports en commun.
Pour encourager les déplacements des cyclistes, des lieux de stationnement confortables et sécurisés pour les vélos sont installés au plus près des entrées d’immeubles et des stations de transports en commun.
L’inter-modalité sera fortement encouragée pour tous les habitants du quartier («Pass» bus/tram/Vél’hop/Auto’trement/TER pour chaque résident). Afin de renforcer les habitudes de chacun des habitants, des “bouquets de services”, composés de commerces de proximité et de services liés aux modes doux, seront situés en entrée de quartier. Ils permettront aux habitants d’articuler avec aisance mobilités et proximité : on pourra ainsi déposer son enfant à l’école maternelle ou à la crèche après avoir laissé son vélo chez le réparateur de l’autre côté de la rue. On pourra ensuite faire un saut rapide au point AMAP situé face au réparateur de vélos avant d’aller travailler grâce à une voiture Auto’trement garée à proximité.
Les piétons y disposeront de la priorité sur tous les autres usagers, la vitesse des voitures sera partout limitée à 20 km/h. La mesure la plus emblématique concerne les normes de stationnement : le coefficient se limite à 0,5, soit une place pour deux logements. Les parkings – quatre en sous-sol – seront relégués aux entrées du quartier. Dans les rues, seule une poignée d’espaces de livraison et d’arrêts minute seront disponibles. Les sens de circulation interdiront le trafic de transit et des écluses viendront encore apaiser la circulation automobile subsistante, pour ne pas dire résiduelle : le plan directeur de l’équipe Devillers prévoit une circulation inférieure à 200 véhicules en heure de pointe du matin entre 8 et 9 heures. La réduction de la place de la voiture s’accompagne d’un panel de mesures en faveur des modes de déplacement alternatifs. Un « Pass Mobilité », présenté comme unique en France sera utilisable comme titre de transport et comme moyen de paiement pour les services de mobilité. Il permettra d’avoir accès, entre autres et au choix, au réseau de bus et de tramway, à un parking privatif, au service de location de vélos Velhop et à la coopérative d’autopartage Auto’trement, dont deux stations seront implantées au sein du quartier. Autre initiative, la création de deux surfaces commerciales, appelées « bouquets de services », où les habitants pourront acheter journaux et billets de transports en commun, mais aussi louer et faire réparer un vélo, voire se faire livrer des colis ou des paniers de légumes pour ceux qui seraient membres d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne)... Plus classiquement, l’espace dévolu au vélo sera important. « Impressionnant », renchérit Alain Jund : « On est sur une base de 3 % de la Shon logements, soit 1 200 places de stationnement sécurisées, dont les deux-tiers de plain-pied et les autres situées dans les caves et dans les étages », souligne-t-il. A cela s’ajoutent 800 places pour la partie bureaux, bordée par une nouvelle piste cyclable menant de la place de l’Etoile à Kehl. Convaincu, le ministère de l’Ecologie a désigné l’an dernier le projet Danube. lauréat dans la catégorie « mobilité durable » de son appel à projets « EcoQuartiers ».
Le traitement de la zone de rencontre qui permettra d’accueillir tous les déplacements à l’échelle du quartier fera l’objet d’un soin particulier, afin de parvenir à fluidifier au maximum les parcours des piétons et des cyclistes. La qualité des ambiances, des matériaux utilisés et de la végétation qui accompagneront la zone de rencontre seront pensés en examinant le rôle de la lumière dans ces espaces publics.
La mise en place d’une stratégie nocturne à l’échelle du quartier, en contraste avec l’environnement lumineux permettra d’amorcer un travail sur la maîtrise de la temporalité de la zone de rencontre (jour, nuit, heures creuses, heures de pointe, été, hiver ...). Cette dernière fera l’objet d’une consultation attentive avec les habitants, notamment dans le cadre de la mise en place “des écluses” (dispositifs de ralentissement qui réduisent ponctuellement la largeur de passage pour les véhicules). Les rez-de-chaussée donnant sur ces espaces publics seront animés et variés (équipements, entrées de logements, commerces, ateliers ...) et contribueront à la vie de la zone de rencontre.
En matière énergétique, la prise en charge annoncée de la fourniture énergétique du quartier via le réseau de chaleur de l’esplanade permettra de se concentrer sur les performances énergétiques des bâtiments, en essayant notamment d’offrir à tous un niveau d’ensoleillement maximum. La gestion alternative des eaux pluviales dans le quartier assumera un rôle emblématique dans la composition du jardin portuaire où le thème de l’eau sera valorisé. Les bassins de stockage temporaire des eaux pluviales situés au cœur du grand espace central, lieu de rassemblement et de vie de quartier, permettront de favoriser la biodiversité et de lutter contre la formation d’îlots de chaleur en ville. Ils créeront un environnement qualitatif et attractif aux yeux des futurs habitants, en lien visuel et fonctionnel avec les bassins d’Austerlitz, Dusuzeau et l’environnement « naturel » immédiat du quartier.
Mixité sociale et liberté architecturale :
Les éco-quartiers, par leur architecture variée et innovante, proposent une diversité de logements en termes de formes, de tailles et de statuts d’occupations (accession, locatif) différents. Celle- ci permet d’offrir des logements adaptés aux besoins de tous: familles, étudiants, personnes âgées, handicapés...
La mixité se gère à différentes échelles, de l’îlot au bâtiment (immeubles intergénérationnels par exemple).
Une part significative de logements sociaux est incluse dans le quartier. Une place est également faite à l’autopromotion. Des espaces partagés à l’échelle d’un ou plusieurs bâtiments (buanderie, salle de détente, maison de quartier) contribuent à tisser des solidarités nouvelles entre les habitants.
Une cohabitation entre activités économiques, bureaux, artisanat et logements est prévue afin de compléter le tissu économique des quartiers voisins et de créer un quartier animé.
Les éco-quartiers prévoient des lieux de rencontre pour animer le quartier (square, place de jeux, maison de quartier) et favoriser l’émergence de dynamiques collectives. Certains locaux sont même mutualisés afin d’économiser l’espace et de partager les coûts ; une cour d’école peut par exemple être ouverte au quartier en dehors des heures de classe.
Un éco-quartier recherche, dans la conception des espaces publics et des bâtiments, une adaptabilité à l’évolution des modes de vie. Un parking-silo peut, par exemple, à terme, être réaménagé en bâtiment d’activités ou un bâtiment d’activités en logements.
Les ateliers urbains de 2008 ont mis en évidence la nécessité de créer sur le site du futur écoquartier Danube, un quartier mixte à toutes les échelles typologiques programmatiques et sociales, tout en mettant en œuvre un dispositif innovant d’attribution des parcelles.
La question de la mixité morphologique et fonctionnelle en lien avec celle de la mixité sociale constitue un élément essentiel de la réussite d’un projet urbain à dominante résidentielle. Nous avons donc cherché dans le cadre de l’élaboration de ce projet une organisation du tissu urbain compatible avec toutes nos priorités :
• l’édification progressive de la ville,
• l’accès de tous aux services et aux équipements, dans un espace public animé (ici mixité rime avec proximité) ,
• un spectre large de catégories sociales (d’un côté une attribution équitable des logements aidés, de l’autre une valorisation raisonnable des logements «libres»),
C’est notamment pour cette raison que des îlots ouverts et “complexes” permettent de mêler des logements collectifs, intermédiaires et individuels en plus des statuts d’occupations variés et des activités. Ce découpage en îlots complexes est aussi un gage de diversité et de richesse formelle puisqu’un îlot peut être réalisé par plusieurs architectes sous la direction d’un coordinateur, et peut aussi très bien accueillir des opérations d’autopromotion.
Si les plafonds de hauteur et les intentions architecturales et volumétriques distinctes en fonction des types d’îlots sont donc déjà définies, le plan directeur exprimera ce qui est essentiel au projet et ce qui doit être respecté mais ménage une liberté d’expression architecturale, condition nécessaire (mais pas suffisante) de la qualité architecturale (et donc urbaine).
Ainsi, bien que plusieurs images du quartier soient déjà réalisées donnent déjà à lire des ambiances possibles, la conviction que ce projet ne prendra forme qu’autour d’une ambition collective partagée entre les différents acteurs/auteurs du projet.
Le quartier accueillera une diversité d’habitants et proposera des logements aidés (50%, en locatif et en accession), en accession à la propriété (40%), mais aussi des habitations construites par des groupes d’autopromotion (10 %) et une maison de retraite. On y trouvera également des commerces et des services, des bureaux, une école maternelle, une maison de l’enfance et du quartier. Les bâtiments seront économes en énergie, consommant près de deux fois moins que les immeubles actuels. Des immeubles passifs et à énergie positive seront aussi expérimentés. Ces derniers produiront plus d’énergie qu’ils n’en consommeront. L’eau de pluie sera réutilisée afin de limiter la consommation d’eau potable. Le projet Danube permettra de résorber les nuisances du site afin de proposer un cadre de vie sain.