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Quelles leçons tirées suite aux inondations dans le Var et dans le sud-est de la France ?

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Inondation-Var-.jpgQuelles leçons tirées suite aux inondations dans le Var et dans le sud-est de la France ?

Deux inondations catastrophiques, en 2010 et 2011, ont causé à elles seule 27 morts et près de 2 milliards d’euros de dégâts. Considérées comme exceptionnelles par leur ampleur, ces 2 catastrophes soulignent l’importance d’une gestion intelligente dans l’exploitation des terres, urbaines et agricoles. Le sol français abonde de territoires exposés aux risques d’inondations. Pas moins de 19 000 communes présentent ce risque représentant 27 % de la population, 15 % du territoire métropolitain et 40 % des emplois.

Face à cette situation, une mission commune d’information les inondations qui se sont produites dans le Var, et plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011, présidée par M. Louis Nègre (UMP-Alpes-Maritimes) et dont le rapporteur est M. Pierre-Yves Collombat (RDSE–Var) a présenté son rapport et ses conclusions.

C’est donc au terme d’une série de 64 auditions pluridisciplinaires et d’un travail de terrain à l’écoute de toutes les parties prenantes, la mission a pu développé une analyse dépassant le simple cadre des 2 inondations de 2010 et 2011.

Si le rapport démontre des crises de natures différentes par leur ampleur, leur intensité et leur caractère plus ou moins prévisibles, il souligne que la crue de 2010, de par son ampleur exceptionnelle, a fait apparaître des défaillances dans les systèmes de gestion de crise : le défaut de prévisions et d’alerte a ainsi conduit à la désorganisation des secours. Celle de 2011, la mise en œuvre des procédures « ordinaires » de secours ont été rendues possibles par le bon fonctionnement des dispositifs de prévision et d’alerte face à une inondation répondant à des critères plus classiques.

Ces 2 gestions de crise montre les disparités entre celle dite ‘’régulière’’ et celle ‘’hors norme’’ empêchant tout en mise en œuvre de procédures d’intervention normalisées.

Outre ce constat, la mission d’information rapporte que la gestion de l’après-crise présente des insuffisances éclatantes dans les régimes d’indemnisation ainsi que des lenteurs dans les procédures et le versement des crédits. C’est notamment le cas pour les collectivités locales et les entreprises sinistrées (agricoles et autres). Ces insuffisances aggravent inutilement les conséquences des sinistres et les souffrances qui les accompagnent.

S’agissant du cas varois, le rapport constate une déficience en matière de lutte contre le risque inondation d’où son impréparation manifeste face à la catastrophe de juin 2010. Ainsi ont pu être mis en évidence :

une politique d’information des populations insuffisante ;

une prévention par l’interdiction de construire aléatoire et mal comprise ;

un entretien défaillant des cours d’eau;

une faiblesse de la gouvernance de la prévention qui souffre d’un manque de soutien politique et de moyens financiers et humains ;

une amnésie collective quant à l’importance du risque inondation sur le territoire varois, risque pourtant clairement avéré.

Même si la mission s’est attachée sur ce département du Var, elle souligne que cette situation est comparable, sur bien des points, à celle des autres départements du sud-est de la France. Il faut davantage parler d’un « retard » varois que d’une « exception ». Des efforts notables ont été conduits dans les départements qui avaient subi des inondations catastrophiques, mais la mise en œuvre de la politique de prévention se heurte partout à des difficultés récurrentes : la priorité donnée à la protection des milieux aquatiques, la conflictualité dans la mise en place des plans de prévention des risques inondations (PPRI), la question de l’équité entre les zones protégées et les autres, et les problèmes de financement. Mais aussi, une situation climatique identique, voire pour certains départements voisins, un risque accru par la présence du « système Rhône », un même développement démographique, allant de pair avec une « fièvre de construire », un développement économique proche et une même évolution des méthodes culturales et de l’agriculture, des difficultés en matière de prévention de l’inondation, même si des efforts notables et des réalisations importantes ont déjà été réalisés dans certains territoires, particulièrement quand ils ont été touchés par des inondations majeures, comme le Gard en 1988 et en 2002 et enfin, un même désir des populations, y compris celles qui ont été sinistrées, de pouvoir continuer à vivre là où elles vivaient avant la catastrophe.

De fait, la politique de prévention repose essentiellement sur l’interdit en matière d’urbanisme, les investissements de protection et l’entretien des cours d’eau étant, de fait, bien que de la compétence de l’État et des propriétaires riverains (entretien des cours d’eaux non domaniaux), largement sous-traités aux collectivités locales, sans que cette compétence leur soit attribuée par les lois de décentralisation et sans affectation de moyens à la hauteur des enjeux. 19.000 communes sont, en France, exposées à ce risque, 27% de la population, 15% du territoire métropolitain, 40% des emplois. En moyenne annuelle, le montant des dommages est de l’ordre de 1,2 milliards €. Le régime  d’assurance  catastrophes naturelles  (« cat-nat »)  rembourse en moyenne 530 M € à ce titre. L’engagement des collectivités publiques en matière de prévention active (entretien des cours d’eau, aménagements) est de l’ordre de 250 à  350 M € (évaluation car  il n’existe pas d’études précises en ce domaine).

S’il est possible d’améliorer l’efficacité, déjà réelle, de la gestion de crise (prévision, alerte, organisation, communication) et de l’après-crise - la mission formule sur ce point plusieurs propositions. En revanche, sans intégration de la protection dans une logique plus large d’aménagement des territoires inondables, la politique de prévention est condamnée à l’état de langueur qui est le sien aujourd’hui, à de rares exceptions près. 

Il est urgent d’engager une politique ambitieuse de prévention basée sur un changement de stratégie et d’objectifs. Ce changement est attendu par les élus locaux et la population. Cette politique est possible puisqu’il existe des exemples d’appréhension différente à l’étranger mais aussi en France, dans certaines communes.

Il s’agit de substituer à un objectif de protection totale, jamais définie clairement, et à une gouvernance indéterminée et sans moyens suffisants, une politique d’aménagement territorial aux objectifs précis, dotée de moyens financiers comme de gouvernance.

La mission propose ainsi :


- de faire de la lutte contre l’inondation une priorité à laquelle seront subordonnés les autres objectifs afin que l’ensemble des administrations et opérateurs de l’État  la placent au premier rang de leurs missions ;


- d’intégrer la lutte contre l’inondation dans un projet global et équitable d’aménagement territorial pour faciliter l’acceptation politique et sociale des contraintes par la création d’une dynamique de développement local ;


- de définir un niveau d’aléa clair et de se donner les moyens d’atteindre le niveau de protection permettant de protéger réellement les territoires inondables pour mieux les habiter.

Les préconisations de la mission s’articulent autour de quatre thèmes :


- la création obligatoire d’un établissement public regroupant les collectivités locales du bassin versant, avec des compétences obligatoires et optionnelles et un financement stable et pérenne de nature fiscale ;


- la clarification des compétences et des responsabilités entre l’État et les collectivités territoriales (place de la région, péréquation entre territoires inondables, place de l’ingénierie publique) ;


- un changement dans la conception des PPRI (participation de la population et des élus au processus d’élaboration de la décision, définition du niveau d’aléa visé, possibilité d’évolution du PPRI) et leur articulation avec les normes d’urbanisme (conformité du PLU au PPRI, contrôle de légalité, répression des mouvements de terrain non autorisés) ;


- une association (transparence de l’information sur le risque et dialogue sur les règles de préventions), une implication (à travers les réserves communales de sécurité civile) et une responsabilisation de la population (par des aménagements au régime d’assurance « cat-nat »).

Il s’agit donc d’une approche globale. Les collectivités territoriales et leurs élus ne sauraient toutefois accepter de nouvelles compétences et responsabilités sans les moyens juridiques, humains et financiers de les assumer efficacement.

Enfin, la mission fait référence au cas des Pays-Bas, dont les épreuves après la catastrophe de 1953 ont permis de tirer des leçons. Une catastrophe qui a causé la mort de plus de 1 800 personnes. L'organisation du pays en a été bouleversée, les lois modifiées en conséquence. La gestion de l'eau est devenue une question consensuelle.

En 1960, la commission chargée d’évaluer le plan Delta avait estimé qu’il était acceptable pour le pays de consacrer 1% de son PIB à la protection contre l’inondation, ce qui signifierait 5,4 milliards d’euros en 2010. Les deux grands programmes (le plan Delta et le plan Zuiderzee) menés à bien, les Pays-Bas consacrent aujourd’hui beaucoup moins à la protection contre l’inondation, les chiffres restant cependant importants.

Globalement, un budget annuel de 5 milliards d'euros est consacré à l'eau, de l'assainissement à la gestion des canaux et des voies navigables, dont 500 millions sont affectés à l'entretien des digues et 700 millions à leur reconstruction et à la construction de nouveaux ouvrages (en 2011).

Les Pays-Bas ont défini par voie législative le niveau de sécurité qu’ils entendent assurer à la partie la plus peuplée et la plus industrieuse du pays à une protection contre l’inondation d’une fréquence de retour de 10 000 ans, de 4 000 ans pour les zones soumises à la submersion marine mais moins peuplées, de 2 000 ans à 1 250 ans selon le type de zone soumise au risque de crue des rivières et fleuves.


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