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YUE MINJUE – L’ombre du fou rire – 14 nov. > 17 mars 2013

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Yue-Minjun-.jpgYUE MINJUE – L’ombre du fou rire – 14 nov. > 17 mars 2013

Jusqu’au 17 mars 2013, la Fondation Cartier pour l’art contemporain présente la première exposition majeure consacrée à Yue Minjun en Europe. Une occasion unique de découvrir le travail de cet artiste chinois aujourd’hui reconnu et dont la célébrité contraste avec la grande discrétion. Revisitant les codes du grotesque par une iconographie haute en couleur et hantée de personnages au rire énigmatique, son œuvre porte un regard ironique et désabusé sur le contexte social de la Chine contemporaine et sur la condition humaine dans le monde moderne. À travers près de quarante tableaux issus de collections du monde entier, ainsi qu’une centaine de dessins encore jamais montrés au grand public, l’exposition dévoile l’esthétique singulière et complexe d’une œuvre qui se dérobe à toute interprétation.

Un artiste à l’image d’une génération fortement marquée par l’histoire de la Chine Contemporaine : le rire Comme exutoire.

Né en 1962 à Daqing, dans la province du Hei Long Jiang en Chine, Yue Minjun peint d’abord en amateur, avant de partir étudier l’art en 1985 à l’école normale de la province du Hebei. C’est dans la communauté d’artistes du village du Yuanmingyuan, près de Pékin, au début des années 1990, qu’il commence à définir son style ainsi que les contours de son principal sujet : le rire. Au même moment se développe en Chine un nouveau courant artistique dont Yue Minjun a souvent été considéré comme un des principaux représentants, le « réalisme cynique ». Marqués par un climat social tout à fait différent de celui des années 1980 et par l’ouverture de l’économie chinoise au marché mondial, ces jeunes artistes rompent à la fois avec le « réalisme socialiste» et avec les avant-gardes. Ils portent un regard plus acerbe et moins idéaliste sur leur environnement :

« C’est pour cela que le fait de sourire, de rire pour cacher son impuissance a [une grande] importance pour ma génération1 », dit Yue Minjun en parlant de ses débuts.

Yue-Minjun4.jpegthe exeCution - 1995 Huile sur toile 150 x 300 cm collection privée

Autoportraits : un même éclat de rire lancé à la face du monde.

Ainsi, les visages peints ou sculptés qui parcourent l’œuvre de Yue Minjun, la bouche béante et les yeux fermés, conservent-ils dans leur extravagance la fixité de masques impénétrables. « Ce rire stéréotypé fait écran à toute quête d’intentionnalité, il dresse un mur, interdit le dedans, bloque toute sensibilité », écrit François Jullien dans le catalogue publié à l’occasion de l’exposition. « Il affiche, sous son explosion à répétition, qu’il ne peut rien y avoir à communiquer. »

Ces portraits, d’abord inspirés des amis de l’artiste, se fondent peu à peu dans un seul et même visage, celui de Yue Minjun, apparaissant dès lors comme autant de miroirs reflétant ce que chacun veut y voir : une caricature de l’uniformisation de la société chinoise, un moyen de survivre dans un monde devenu absurde, ou une simple forme d’autodérision de la part de l’artiste. La reproduction de ce rire se révèle dans le même temps source inépuisable de possibles graphiques, les mêmes personnages aux traits immuables et stylisés occupant seuls la toile ou se démultipliant à l’infini. Mises en scène de façon caricaturale, cocasse, poétique ou tragique, ces étranges figures héritent des codes de certains dessins animés où tout semble possible et où l’absurde devient norme.

Au-delà du « réalisme Cynique » : une esthétique au scénario secret.

Au-delà d’une stricte catégorisation, Yue Minjun déploie dans ses tableaux une esthétique qui lui est propre – déroutante et d’une grande diversité, à la manière d’un scénario au déroulé secret. S’y côtoient les hauts lieux publics de la Chine, voi- tures de marque, avions et dinosaures, ou encore les références à l’imagerie populaire chinoise et à l’histoire de l’art, en des jeux d’assemblages et d’associations d’images où l’artiste se laisse une liberté d’exécution totale et où chaque signe reste ouvert à l’interprétation.

Ainsi l’artiste brouille-t-il comme à plaisir les repères dans le tableau The Execution, inspiré de La Mort de l’Empereur Maximilien de Mexico d’Édouard Manet (1868) dont tous les protagonistes sont remplacés par des personnages souriants, avec au second plan une évocation directe de l’enceinte de la Cité interdite. De même, dans la série évoquant la question de l’absence dans l’image, il reproduit à l’identique les tableaux des grands maîtres de la peinture occidentale ou certains grands tableaux de l’histoire populaire chinoise, en les vidant de l’ensemble de leurs personnages. Ne subsiste que le fond, véritable décor de théâtre désert révélant des paysages lunaires et des architectures surprenantes ou méconnaissables. Face à cette capacité de variation infinie, le visiteur se perd dans un jeu aussi dépourvu d’issue que les immenses paysages labyrinthiques de l’artiste. C’est là que résident toute la force et la subtilité d’une œuvre qui n’a cessé d’évoluer depuis les années 1990.

Entre répétition et variation, chaque tableau acquiert une résonance au sein d’un ensemble dont la puissance visuelle hors du commun est révélée par le regroupement, pour la première fois dans un même espace, de ces œuvres aussi mystérieuses que dérangeantes.

Parcours dans l’œuvre de YUE MINJUN

L’exposition présente un choix d’œuvres réalisées au début des années 1990. Ces toiles, parmi les premières de Yue Minjun, ont été rarement exposées et sont pourtant très importantes dans son œuvre, tant elles témoignent d’une recherche et d’une définition progressive de son style. Pendant ces années, l’artiste s’installe dans la communauté d’artistes du village du Yuanmingyuan, près de Pékin, où il choisit ses amis pour sujets. La représentation est encore réaliste et les physionomies des visages très diversifiées, mais peu à peu, de nombreux éléments stylistiques propres à son travail prennent place dans ses toiles : le portrait, la répétition, l’absurdité des situations ou encore la représentation d’éléments réels, comme certains monuments historiques par exemple.

 Yue-Minjun2.jpgthe artist and his friends 1991 Huile sur toile 187 x 198 cm collection privée, asie

Progressivement, les différentes physionomies s’effacent et tous les visages commencent à ressembler à celui de l’artiste qui se met en scène dans des situations extraordinaires, improbables, et parfois très poétiques. Yue Minjun compare l’élaboration de ces toiles immenses qui semblent raconter une histoire à certaines scènes de dessins animés : l’expression du visage change peu, alors même que les situations dans lesquelles il se met en scène sont toutes marquées par la stylisation des formes, l’absurdité ou la cocasserie.

Dans cette série de tableaux, un certain nombre de références à l’imagerie populaire ou à la tradition esthétique chinoise se mêlent dans des jeux de compositions et des associations graphiques – comme la représentation stylisée de l’eau et des vagues, ou la représentation de certains animaux propres à la culture chinoise. Pourtant, l’artiste ne donne aucune indication quant à l’histoire de ses tableaux, comme si tous les éléments d’un story-board complexe étaient présentés simultanément au spectateur sans aucun repère quant au sens de lecture.

Cette perte d’orientation suscitée par l’absence de scénario, l’omniprésence des visages stéréotypés et l’immensité des toiles devient presque métaphysique devant les toiles qui représentent des labyrinthes impénétrables.

 Yue-Minjun3.jpgad 3009 2008 Huile sur toile 300 x 400 cm collection de l’artiste, pékin

L’œuvre de Yue Minjun est également riche de références artistiques. L’artiste repeint certains grands chefs-d’œuvre de la peinture occidentale, tout en les détournant : il remplace tous les personnages par sa propre silhouette et son rire devient omniprésent. Ainsi l’artiste prend plaisir à brouiller les repères dans le tableau The Execution, inspiré de La Mort de l’Empereur Maximilien de Mexico d’Édouard Manet (1868). Hommage à Édouard Manet, pastiche ironique, ou plus simplement, comme le dit l’artiste lui-même, le souhait de « mettre en scène sa propre image et se faire participer à n’importe quelle scène de son choix, prise au hasard dans les cinq siècles passés » ? Aux côtés de The Execution (Städtische Kunsthalle, Mannheim), l’exposition présente également The Massacre at Chios et Freedom leading the people, inspirées de deux tableaux d’Eugène Delacroix : Scène des massacres de Scio (1824, Musée du Louvre, Paris) et La Liberté guidant le peuple (1830, Musée du Louvre, Paris).

 

Dans une autre série, Yue Minjun peint à l’identique des toiles de grands maîtres, ainsi que certaines images célèbres de l’époque du réalisme socialiste. Privées de leurs principaux acteurs, les œuvres ne sont plus que des décors de théâtre déserts, révélant des paysages lunaires et des architectures surprenantes ou méconnaissables. Dans cette série, Yue Minjun joue avec les souvenirs du spectateur, tout en perturbant son regard. L’exposition présente trois tableaux appartenant à cette série. Si le premier est inspiré de La Mort de Marat (1793, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles) de Jacques-Louis David les deux autres font référence à deux images emblématiques du réalisme socialiste et de l’iconographie maoïste : The Founding Ceremony of the Nation (1953) de Dong Xiwen et La Conférence de Gutian de He Kongde (circa 1970).

 

Parfois, le visage se déploie en gros plan, la bouche grande ouverte sur l’ensemble de la toile. Ces œuvres laissent le spectateur face à la capacité de variation infinie de l’artiste et rappellent aussi une tradition surréaliste où certaines toiles avaient pour intention de rendre visibles les mondes du rêve, de l’imaginaire et de la pensée.

Dans la toute récente série Overlappings, Yue Minjun va même jusqu’à anéantir son propre visage, qui disparaît au profit d’une tension stylistique et graphique hors du commun. Ce n’est plus seulement le visage de l’artiste qui est abîmé, c’est aussi l’intention du rire qui semble devenir impossible, à mesure que l’artiste le reproduit à l’infini et l’efface par la suite.

 

Montrés pour la première fois au grand public, une centaine de dessins dévoilent la pratique quotidienne de l’artiste, comme un carnet de notes et d’inspiration. Ébauches préparatoires, ou notations d’idées fugaces, cet ensemble rappelle que l’œuvre de Yue Minjun est bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord: il faut se perdre dans la répétition d’un même motif pour ressentir l’ombre de ce fou rire.

C’est aussi ce qui transparaît dans une série de photographies prises par le frère de l’artiste et projetées à la façon d’un diaporama qui montre l’artiste dans des positions, attitudes et postures proches de celles des personnages qu’il peint. L’artiste expérimente ainsi les poses et les compositions de ses toiles, comme si l’effort physique faisait partie intégrante de la création d’un tableau.

 Yue-Minjun6.jpgmemory-2 - 2000 Huile sur toile 140 x 108 cm collection de l’artiste, pékin

Yue Minjun

Né en 1962 à Daqing, dans la province du Hei Long Jiang en Chine, Yue Minjun peint d’abord en amateur, avant de partir étudier l’art en 1985 à l’école normale de la province du Hebei. C’est dans la communauté d’artistes du village du Yuanmingyuan, près de Pékin, au début des années 1990, qu’il commence à définir son style et trouve le sujet qui deviendra omniprésent dans ses toiles : le rire. Au même moment se développe le « réalisme cynique », un courant artistique qui se caractérise par un désenchantement face aux mutations socio-politiques de la Chine et dont Yue Minjun a souvent été considéré comme l’un des principaux représentants.

Ainsi, les visages peints ou sculptés qui parcourent l’œuvre de Yue Minjun, la bouche béante et les yeux fermés dans un éclat de rire, peuvent-ils être vus comme une caricature de l’uniformisation de la société chinoise, un moyen de survivre dans un monde devenu absurde ou une simple forme d’autodérision. D’abord inspirés des amis de l’artiste puis se fondant peu à peu dans un seul et même visage – celui de Yue Minjun –, ces portraits se révèlent être dans le même temps une source inépuisable de possibles graphiques, les mêmes personnages aux traits immuables et stylisés occupant seuls la toile ou se démultipliant à l’infini.

Après une participation remarquée à la 48e Biennale de Venise en 1999, Yue Minjun acquiert une renommée internationale. Ses œuvres connaissent alors un véritable engouement sur le marché de l’art contemporain et entrent dans de nombreux musées et collections du monde entier. Dans les années 2000, Yue Minjun nourrit son style, immédiatement reconnaissable, de multiples influences et développe de nouvelles séries comme celles des labyrinthes, des Reportraits ou, plus récemment, des Overlappings. Aujourd’hui, il poursuit son activité dans son studio près de Pékin et est considéré comme l’un des artistes les plus influents de sa génération.

 

Dérision

On dit, pour pénétrer l’énigme de ces faces à rictus de Yue Minjun, que ce doivent être, quelque part, des autoportraits. Mais peut-il s’agir pour autant d’autodérision, tant il est vrai que le propre de la dérision est qu’elle ne sait plus distinguer entre soi et le reste ; son rire (sa fêlure) ne se laisse pas cantonner – elle contamine.

Dérisoire signifie, sait-on, qu’on s’en moque et qu’on en rit ; et aussi, par dérivation, que cela n’est pas important et ne compte pas. La dérision fait lever-paraître-s’étaler dans un grand tremblement de sens, comme en un grand éclat de rire, une inconsistance universelle.

Cette dérision, bien sûr, touche l’Histoire avec son grand H, celle qui a « conduit », par quelque nécessité dialectique à repenser, du catéchisme révolutionnaire imposé au sauve-qui-peut du capitalisme triomphant. Elle touche donc, du même coup, tous les faux grands Acteurs et « timoniers » de cette Histoire : la place Tian’anmen est là pour le dressage et les alignements et revues maoïstes. Mais elle touche tout autant celui qui, aujourd’hui, s’arrête devant la toile et se demande, sérieux, perplexe, pressé de ranger cela dans quelque Machine à sens : « Mais qu’est-ce que cela peut donc bien signifier?»

Car parler de « réalisme cynique », comme on l’a fait, est encore trop rassurant. Façon encore de s’en débarrasser. Le propre de ce « jurer par le chien » du cynisme, en effet, est de ne supporter aucun prédicat béquille, et pas plus celui du « réel » qu’aucun autre. Le cynisme est sans garde-fou.

Rire-ridule-rictus

À l’encontre de la bipartition du rire et des pleurs, de Jean-qui-rit et de Jean-qui-pleure (ou de Démocrite et d’Héraclite, ou de la comédie et de la tragédie, etc.), le rire, chez Yue Minjun, fait violemment sauter cette symétrie convenue. Tandis que les larmes signifient univoquement la tristesse, le rire, en effet, renvoie, reflue, vers une énigme ; tandis que les larmes font présager une profondeur, le rire, quant à lui, ouvre sur un abîme. Ou bien encore : tandis que les pleurs invitent à basculer dans une intériorité, et par conséquent portent au partage, le rire rejette dans un dehors, procède à une exclusion.

Cela est encore plus vrai une fois qu’on est passé en Chine. Est-ce qu’on rit parce qu’on est joyeux? Ou parce qu’on trouve comique ce qu’on a sous les yeux ? Si l’on croit le rire naturel sous prétexte qu’il est le « propre de l’homme », selon la formule, on ne peut que d’autant mieux vérifier, face aux peintures de Yue Minjun, combien sa portée mais aussi sa motivation sont culturelles. On rit si souvent pour se dissocier. On paraît approuver, mais pour mieux dénoncer (le faisaient déjà les bouffons à la cour du Prince). Le rire est masque. Il est ainsi une stratégie du rire, en Chine, notamment du grand rire répété, à gorge déployée, haha xiao-xiao, dont la visée offensive est de décontenancer. Sur les premières peintures de Yue Minjun, le rire est encore varié, modulé, singulier, et par conséquent expressif. Il laisse entrevoir une personnalité. Mais quand le rire se fige en rictus uniforme, bouche ouverte en banane ou croissant de lune, et les yeux fermés – seules des ridules restent esquissées –, ce rire stéréotypé fait écran à toute quête d’intentionnalité, il dresse un mur, interdit le dedans, bloque toute sensibilité. Il affiche, sous son explosion à répétition, qu’il ne peut rien y avoir à communiquer. Aussi la formule fameuse à laquelle Bergson reconduit le rire tombe-t-elle juste, si ce n’est qu’elle est, encore une fois, par trop bénigne : le « mécanique » est bien là, en effet, mais, sous son placage, le « vivant » a disparu. Il n’y a plus insertion de l’un dans l’autre, la raideur de l’un faisant ressortir le mouvant de l’autre. Mais tout vivant s’est aboli devant cette convulsion généralisée.

Fausses routes

On dira pourtant, pour plaider la cause de l’humain et de la conscience dans l’œuvre de Yue Minjun, que celle-ci contient aussi des éléments mythologiques : le corps se transformant en arbre dans une scène à la Zhuangzi ; qu’on peut y trouver du narratif : l’appel au secours du noyé ; qu’il y a des bribes de symbolique : voiture de luxe et dinosaures ; ou encore que le contraste ironique est lui-même porteur de sens.

Mais, justement, tous ces processus intégrateurs sont paralysés. Ils sont là erratiques et ne construisent rien. Non seulement ils ne débouchent pas sur une signification; mais même ce qu’on croit reconnaître en eux d’allusions ou de cohérences éventuelles fait un pied de nez à la volonté d’interprétation.

Impossible subjectivité

Stratégie de subversion, dira-t-on : cette peinture vise à dénoncer. Dénonciation du pouvoir totalitaire qui tient les hommes alignés et contraints d’acclamer; et, plus généralement, de tout l’idéologique comme phénomène d’emprise qui uniformise et dissipe la possibilité du singulier. La peinture de Yue Minjun ne fait cependant pas seulement le bilan des dislocations de l’Histoire ; mais elle peint surtout l’impossibilité de s’y constituer en Sujet. Et cela vaut non seulement pour le regardé mais tout autant pour les regardants. Car, face à ces visages non-visages, visages affichés mais évidés, dont l’espace est saturé, les procédures de projection et d’identification sont bien sûr enrayées. L’entreprise de subjectivation tourne à vide. Si « réalisme (cynique) » il y a, « réel » signifie alors laconiquement : sans possibilité d’un Sujet. Du moi est affiché, reproduit partout, mais le sujet est nulle part.

 Yue-Minjun5.jpgthe death of marat - 2002 Huile sur toile 292 x 220 cm collection privée, pékin

Un homme des plus intelligents rit bêtement dans son coin. Et tous les dieux d’en rester déconcertés.

Il y a plus de larmes dans le rire que dans les pleurs. Les parties chaudes des larmes se sont glacées.

Les femmes pleurent toujours deux fois sur ce dont elles ont envie de pleurer. Les hommes trouvent qu’un rire suffit.

Donne un peu plus d’allure à ton visage, afin qu’il ressemble à celui d’Alain Delon, à celui de Liang Chaowei (Tony Leung Chiu-Wai), après il ne sera pas trop tard pour rire.

Du préposé aux visas qui jamais ne rit, et de celui qui est tout sourire, duquel faut-il s’attendre à essuyer un refus ?

Le rire est un art sur le temps.

Les intellectuels rient avec de l’encre plein la bouche, mais quand ils sortent de chez eux leur rire est tiré à quatre épingles, de peur que l’encre ne salisse leur apparence.

La maison du rire est construite en porcelaine, au moindre choc elle se brise.

Quand le rire est brisé, le cœur l’est aussi. Le cœur et les larmes se regardent au travers de la vitre du rire.

Dans l’orchestre symphonique de la justice mondiale, le rire joue d’un instrument qu’il ne maîtrise pas du tout. Tout en affectant un air sérieux, le rire joue son propre silence.

On peut monopoliser le plaisir, mais pas le rire.

La source du rire reste une énigme, elle est enfouie au cœur de la philosophie la plus inaccessible, même l’art ne peut la révéler.

Le rire par son rire allège la matière, les mots en revanche y ont gagné en poids.

Celui qui rit à tout bout de champ n’a même pas ri une seconde.

Si le rire était un pan de terre, il ferait l’objet d’une expropriation par l’État.

Comme Gengis Khan, de l’Europe à la Chine, édifions un système postal pour ces rires jamais expédiés.

Le corps nu du rire : photographié avec un téléphone portable, c’est une photo érotique, avec un appareil reflex mono-objectif, c’est une photo d’art.

Le monde qui ne peut se réfugier dans les pleurs, ne peut davantage se mettre à l’abri derrière le rire.

Rire ou pleurs, les deux se produisent. Même si tu ne souhaites pas avoir un quelconque lien avec l’histoire et l’état actuel du monde, l’Histoire, ce monstre, n’en viendra pas moins frapper à ta porte.

Après avoir aboli le temps, le rire, se riant de l’Histoire, en fait une information.

Le rire a accumulé des choses vertes afin de pouvoir griller les feux rouges.

Quelqu’un portant sa propre tête décapitée, rit sans rime ni raison.

Tout visage humain souriant est le rire de cet homme masqué qui ne rit pas.

Le rire des plus grandes profondeurs est celui que l’on n’entend pas. Le rire du ciel est inaudible lui aussi. Mais il te suffit d’écouter et tu es ce rire.

Le rire des anges est comme une pluie tombant du ciel sur terre mais qui, à mi-hauteur, est séchée par le soleil.

Certains rires sont douloureux, d’autres vous démangent.

Le rire est comme un chien qui aboie chaque fois qu’il a faim.

Le rire est multiplication, mais cela n’a rien à voir avec le calcul.

Le rire une fois débranché est chargé d’électricité.

Le rire jette un regard de travers au parfait honnête homme.

Les lanternes du rire sont allumées dans les yeux du loup.

Le rire du miroir : un rire brisé en mille rires.

Et le rire de rire, de rire, jusqu’à sombrer dans son rire.

Si tu ne peux rire comme un dieu, il te faut au moins rire comme un homme.

Toute la tristesse immémoriale est dans ce rire.

 Yue-Minjun.jpgdessins - 1991 – 2008 crayon et encre sur papier collection de l’artiste, pékin

Informations pratiques

L’exposition est ouverte au public tous les jours, sauf le lundi, de 11h à 20h.

Nocturne le mardi jusqu’à 22h.

Droit d’entrée: 9,50€

Tarif réduit*: 6,50€

Gratuit **

Accès libre pour les moins de 18 ans le mercredi de 14h à 18h.

Réservation : magasins Fnac, fnac.com

* Étudiants, moins de 25 ans, carte Senior, demandeurs d’emploi, Maison des Artistes.

** Moins de 10 ans, Laissez-passer, carte ICOM.

Accueil des groupes

> Visite guidée avec médiateur, du mardi au vendredi, de 11h à 18h (min. 10 pers.)

Tarif adultes: 10€/pers.

Scolaires et seniors: 5€/pers.

>Visite libre du mardi au dimanche, de 11h à 18h (min. 10 pers.)

Tarif adultes: 8€/pers.

Scolaires et seniors: 4€/pers.

Contact

Tél. 01 42 18 56 67

info.reservation@fondation.cartier.com

Laissez-passer

Le Laissez-passer offre un accès prioritaire, gratuit et illimité à la Fondation Cartier, un accès libre le mercredi pour une personne vous accompagnant, des visites guidées des expositions, des invitations aux Soirées Nomades et des entrées à tarif réduit pour les événements exceptionnels (nombre de places limité, sur réservation), une réduction de 5 % à la librairie ainsi que des avantages dans de nombreuses institutions culturelles parisiennes.

Adhésion annuelle: 30€

Tarif réduit: 25€ (carte Senior, carte famille nombreuse)

Tarif jeune: 18€ (moins de 25 ans)

Contact

Tél. 01 42 18 56 67

info.laissezpasser@fondation.cartier.com

Accès

261, boulevard Raspail 75014 Paris

Tél. 01 42 18 56 50

Métro Raspail ou Denfert-Rochereau (lignes 4 et 6) / Bus 38, 68, 88, 91 RER Denfert-Rochereau (ligne B) Station Vélib’ et stationnement réservé aux visiteurs handicapés devant le 2, rue Victor Schoelcher

Yue-Minjun1.jpguntitled - 1994 Huile sur toile collection privée ©Yue Minjun


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