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L’eau potable source de difficultés relationnelles entre les grandes agglomérations et certaines communes rurales péri-urbaines

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Eau-.jpgL’eau potable source de difficultés relationnelles entre les grandes agglomérations et certaines communes rurales péri-urbaines

Peut-on s’approprier l’eau ?

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Un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable à la demande de la ministre chargée de l'Ecologie révèle les difficultés relationnelles entre certaines communes rurales au profit de grandes agglomérations.

La ministre de l’Ecologie saisie d'une proposition de loi déposée au Sénat pour permettre l'indemnisation des communes sur le territoire desquelles sont créés des périmètres de protection entourant des captages d'eau potable, a commandé auprès du GGEDD un rapport sur la réflexion suivante :

–                  les dispositions envisageables pour mieux associer à la mise en œuvre et à la gestion des protections de l'aire d'alimentation du captage la commune d'implantation des périmètres de protection ;

–                  les dispositions pouvant encadrer la réalisation de ventes d'eau en gros entre services.

Depuis l’ère qui a vu naître l’espèce humaine, l’eau et les conditions de son accès ont été sources de bien de conflits. Et ce n’est donc pas un hasard si le peuplement et la civilisation ont suivi les fleuves qui apportent l’eau des zones de captages et avec elle des dépôts d’alluvions fertiles….

Près de 3600 le nombre des traités internationaux sur l'eau actuellement qui est en vigueur.

Le plus ancien connu étant celui passé entre les cités Sumériennes de Lagash et d'Umma relatif à l'accès à l'eau du Tigre vers 2500 avant notre ère ; et l'importance de la convention des Nations unies du 21 mai 1997 à laquelle la France a adhéré en vertu de la loi du 3 janvier 2011.

Par la résolution A/RES/64/292 de la 64ème session de l'Assemblée générale, l'Organisation des Nations Unies « reconnaît que le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ».

En droit interne, la tradition héritée du droit romain, puis du droit régalien, a d'abord été celle dite de la « res nullius » (la chose n'appartenant à personne) désignant les biens formellement appropriables mais de fait sans maître.

La jurisprudence qui en 1860 (Cour de Cassation 9 janvier 1860) distinguait les eaux « nécessaires aux besoins des habitants et celles qui excèdent ces mêmes besoins », était infirmée dès l'année suivante ; ensuite, de manière constante, la Cour de Cassation (20 août 1861 ; 4 juin 1866 ; 24 janvier 1883 ; 30 avril 1889) affirmait le caractère de domanialité publique de l'eau destinée à la consommation humaine, même pour la partie excédant les besoins des populations.

Plus récemment, cette notion a été renforcée dans le code de l'environnement en donnant à l'eau le caractère de « res communis », c'est à dire d'un bien commun de domaine public non appropriable; c'est ainsi que l'article L210-1 du code de l'environnement précise :

« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général ... l'usage de l'eau appartient à tous ... ».

L'eau ne pouvant donc être appropriée, elle n'appartient ni à un quelconque particulier, ni à la collectivité locale où elle est prélevée. Seuls les services qui y sont liés (production et protection de la ressource, transport, stockage et distribution) peuvent faire l'objet de vente et facturation, le bien « eau » ne pouvant en lui-même être vendu.

Même si le principe de non appropriation de l'eau existe depuis le droit romain et l'ancien régime et a été réaffirmé en précisant que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation », même si les conditions de répartition de la ressource par les préfets, dans les cas de risque de pénurie, ne sont en général pas contestées, le sentiment que l'agglomération fait peser des contraintes « non compensées » sur certaines communes rurales péri-urbaines paraît assez répandu. Sentiment sans doute plus fort dans le cas des prélèvements souterrains que dans les cas de prélèvements en rivière.

Le rapport du CGEDD montre ainsi les dissensions entre petites et grandes collectivités territoriales, entre milieu urbain et milieu rural, et sur les communes servant les autres et notamment les communes rendant un service à la nature du fait de la qualité de leur environnement.

Un débat sans fin puisque les communes rurales se plaignent des contraintes que font peser sur elles les agglomérations en matière notamment de captage, de stations d'épuration, de gestion des déchets, etc., alors que les agglomérations centres font remarquer que les « péri-urbains » bénéficient des services de la ville, notamment culturels ou sportifs, sans y participer financièrement.

Même si les acteurs de la distribution d'eau des agglomérations souhaitent maintenir des relations apaisées avec les communes où ont lieu des prélèvements, ainsi qu'avec les communes soit traversées par les canalisations d'approvisionnement, soit sièges d'équipements tels que réservoirs ou stations de traitement, ils doivent veiller également à ce que l'accès à l'eau potable demeure à des prix les plus bas possibles pour les consommateurs.

Alors quelles mesures pour faciliter ces relations ? Le rapport précise qu'une indemnisation fixée par la loi n'aurait pas un effet strictement contraire à celui recherché. En effet, un tel principe d'indemnisation ne manquerait pas d'être interprété par la population de la commune concernée comme une reconnaissance du fait que l'eau du sous-sol leur « appartient » et qu'ils en sont « grugés » par l'agglomération.

Il n'apparaît donc pas de réel consensus pour la mise en place d'indemnisations légales, mais plutôt un souhait de développement des solidarités intercommunales et des solidarités contractuelles entre les agglomérations et les intercommunalités péri- urbaines et rurales.

Ainsi le rapport estime que « hors une éventuelle adaptation de l'article L211-3 du code de l'environnement qui pourrait s'avérer nécessaire en raison de la décision du Conseil constitutionnel ayant annulé le 5° du II de l'article L211-3 du code de l 'environnement, la réglementation en vigueur, la jurisprudence, et le pragmatisme des acteurs de terrain, permettent de résoudre de façon apparemment satisfaisante la plupart des problèmes constatées concrètement. »

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Les périmètres de protection

Les périmètres de protection au titre du code de la santé publique

L’article L1321-2 du code de la santé publique prévoit qu’en vue d'assurer la protection de la qualité des eaux, trois périmètres de protection différents peuvent être instaurés par l’acte de déclaration d’utilité publique d’un captage :

• « un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété,

• un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et,

• le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés ».

Ces trois périmètres correspondent à des nécessités différentes, mais le but ultime de ces différentes zones de protection est d’éviter des pollutions ponctuelles ou accidentelles susceptibles de mettre en danger les populations desservies. Cependant, actuellement, ainsi que cela ressort des statistiques du ministère chargé de la santé publique, seuls 57% des captages publics d’eau destinée à la consommation humaine bénéficient de ces protections (soit un total de 19 395 captages en janvier 2010).

 

Le rapport prend pour exemple un cas intéressant de la commune de Budos (source de Fontbanne) qui a servi de point de départ d'un projet de loi sur ces problématiques d'indemnisation, déposé en juillet 2010 au Sénat, les deux principes ont été appliqués  :

Les préjudices matériels, directs et certains donnent lieu à indemnisation et c'est ainsi qu'une obligation de mettre en place un assainissement collectif au droit du périmètre de protection sera pris en charge par le destinataire du captage, tandis que les servitudes d'urbanisme, relevant de contraintes futures non matérialisées au moment de l'établissement de la servitude, ne peuvent quant à elles donner lieu à indemnisation, sauf à jeter à bas les principes fondateurs du code de l'urbanisme et du code de l'expropriation.

En 1880, la ville de Bordeaux manquant d'eau potable de qualité acquiert la source de Fontbanne sur le territoire de la commune de Budos ; il s'agit en la matière d'une acquisition privée du périmètre de la source, et ce n'est qu'en 1883 qu'est approuvé, et en 1887 réalisé, le projet d'aqueduc souterrain de 41km amenant l'eau de Fontbanne au réservoir du Béquet (Villenave- d'Ornon) ;

L'arrêté préfectoral du 2 septembre 2008 prescrivant au titre de la protection des captages la mise en place d'un assainissement collectif prévoit explicitement sa prise en charge, pour la part correspondant aux périmètres de protection, par le bénéficiaire du captage (article 8-2 de l'arrêté) en application de l'indemnisation des préjudices matériels, directs et certains: prise en charge par la communauté urbaine de Bordeaux et son concessionnaire de 78% des coûts de réalisation du réseau d'assainissement collectif correspondant à la part relevant des périmètres de protection (convention approuvée à la mi-2009) ;

Par contre, par un jugement du 12 mars 2009, le tribunal administratif de Bordeaux refuse, comme le demande la commune de Budos, d'étendre cette indemnisation à une hypothétique restriction des droits à construire, donc de possibilités de recettes futures pour la commune, en rappelant que seule la responsabilité de l'État pourrait le cas échéant être recherchée en cas de rupture de l'égalité devant les charges publiques ce qui n'est manifestement pas le cas dans cette instauration de servitudes d'utilité publique.

En réalité, comme le montrent d’ailleurs les termes mêmes de différents courriers des élus municipaux concernés, la demande d'indemnisation (ou de compensation) repose sur deux idées sous-jacentes assez différentes :

•                  le paiement d’une ressource « précieuse » d’une part,

•                  l'indemnisation d’une servitude d'urbanisme d’autre part.

Ces deux idées s’opposent aux principes du droit actuellement en vigueur dans ce domaine.

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