Fiscalité environnementale : des instruments existent mais incomplets
et perfectibles…
Dernièrement le blog a présenté deux avis portant sur une assiette carbone et sur l’artificialisation des sols, adopté par le comité permanent pour la fiscalité écologique. Et avait présenté également les propositions de la Fondation Nicolas Hulot souhaitant d’une part faire progresser les mesures fiscales contre le diesel et les ramener à celles de l’essence et mettre en œuvre une fiscalité carbone.
Ce thème de la fiscalité environnementale doit permettre de définir une taxe (ou plusieurs) dont l’assiette est une unité physique (ou une approximation d’unité physique) de ‘’quelque chose’’ qui a un impact négatif spécifique et avéré sur l’environnement, pouvant s’articuler sur le principe ‘’pollueur-payeur’’. Elle représente un moyen économique efficace pour faire prendre conscience aux différents acteurs de la nécessité de préserver notre environnement et elle intègre parallèlement, dans les coûts supportés par les acteurs économiques – entreprises, ménages, secteur public – le coût des dommages environnementaux causés par leurs activités.
Le Service de l’Économie, de l’Évaluation et de l’Intégration du Développement Durable (SEEIDD) du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD) a rendu une étude portant la fiscalité environnementale.
L’étude distingue trois grandes problématiques environnementales dans lesquelles la fiscalité environnementale peut s’appliquer. Elle constate que dans chacun de ces domaines, des instruments fiscaux existent en France mais demeurent incomplets et perfectibles :
1) En matière de consommation de ressources, la fiscalité doit permettre de faire supporter au consommateur de la ressource une partie du coût de la rareté qu’il induit pour ses successeurs et pour les autres utilisateurs, ce qui doit l’inciter à réduire sa consommation. Les taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui s’appliquent aux volumes de consommation de carburants, de gaz, de fioul et de charbon y contribuent en partie. Elles se sont élevées à 25,5 milliards d’euros (Md€) en 2011.
L’énergie électrique est également taxée en tant que telle, via les taxes locales et surtout la contribution au service public de l'électricité (CSPE, 3 Md€) qui vise à financer les coûts des politiques de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental, et la mise en œuvre des tarifs sociaux (tarification spéciale « produit de première nécessité »).
Les autres instruments fiscaux et parafiscaux liés aux ressources sont les taxes sur les granulats, les redevances sur les prélèvements d'eau (345 M€) et l'activité hydroélectrique, ou encore les redevances sur les extractions d’hydrocarbures (un peu plus de 40 M€ en 2011). Il n'existe pas en revanche à ce jour de fiscalité spécifique sur l'exploitation des ressources issues de la biodiversité (même lorsque le rythme d’exploitation excède leur renouvellement). Concernant la consommation d’espaces naturels des taxes visent à limiter les constructions, telles que les taxes sur les cessions à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, ou à une utilisation optimale du foncier bâti existant, telles que la taxe sur les logements vacants ou la taxe sur les friches commerciales.
Enfin, à la lisière de la fiscalité, en application du principe de responsabilité élargie du producteur, les fabricants, importateurs ou distributeurs de certains produits (emballages ménagers, équipements électriques, piles...) s'acquittent d'une contribution pour financer la collecte sélective et le recyclage ou le traitement des déchets issus de ces produits ; toutes filières confondues, ces contributions s’élèvent à près de 1 Md€ en 2011.
2) S’agissant du changement climatique, il n’y a pas à l'heure actuelle de taxes intérieures explicitement assises sur les émissions de gaz à effet de serre, à l’exception des systèmes de malus perçus sur l’achat et la détention, par les entreprises ou les ménages, des véhicules les plus émetteurs de CO2 (1,1 Md€ de recettes en 2011). Néanmoins, des taxes sur la consommation de ressources énergétiques fossiles à l’origine de ces émissions existent (cf taxes déjà citées ci-dessus sur les carburants, le gaz, le fioul...) et constituent de facto une taxation implicite du carbone. En matière de carburants ou de combustibles pour le chauffage, les taxes existantes restent généralement insuffisantes pour couvrir l’ensemble des externalités que leurs consommations induisent, a fortiori lorsque certains usages bénéficient d’exonérations ou de taux réduits.
Les émissions de CO2 des producteurs d’énergie et des secteurs industriels les plus émetteurs sont quant à elles régulées dans le cadre du système d’échanges de quotas de CO2, dont la troisième phase s’ouvre en 2013 avec une attribution croissante des quotas aux enchères. D'un point de vue économique, une analogie de ce système avec la fiscalité peut être faite.
Les émissions de gaz à effet de serre autres que le CO2 (protoxyde d’azote, méthane, gaz fluorés) ne sont globalement pas traitées par la fiscalité.
3) Les pollutions, qui peuvent être émises dans l’air, les eaux terrestres ou marines et dans les sols, sont très inégalement prises en compte. Les pollutions des eaux terrestres sont couvertes partiellement au moyen des redevances perçues par les Agences de l’eau. La redevance sur les pollutions diffuses, par exemple, taxe les produits phytosanitaires, mais pas les nitrates. Les dommages que ces substances causent dans les eaux continentales et littorales ne sont donc pas reflétés dans leur prix. Les pollutions dans l’air des sources ponctuelles (industrie) sont soumises à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) ; les sources diffuses (transport, chauffage...) sont taxées indirectement via les taxes sur les consommations énergétiques ou certains dispositifs particuliers. Les taux en vigueur restent faibles en regard des coûts (sanitaires notamment) que ces émissions induisent, et tous les polluants ne sont pas pris en compte. Les pollutions des sols ne sont pas taxées en tant que telles. Enfin, une fiscalité locale importante finance la collecte et le traitement des déchets municipaux ; au niveau individuel, la taxe est encore le plus souvent sans rapport avec la quantité de déchets produits, mais des modalités de taxation plus incitative se développent. La TGAP « déchets » taxe en aval tous les déchets qui sont stockés ou incinérés, en pénalisant les modes de traitement les moins performants en matière de pollution ou de valorisation.
Au total, les taxes environnementales, qui ont rapporté de l’ordre de 40 Md€ en 2011, restent pour les trois quarts une fiscalité assise sur les consommations énergétiques, principalement sur les énergies fossiles. Les taxes sur les pollutions émises restent faibles alors qu’elles en représentent près de 20 % aux Pays-Bas. En comparaison avec les pays de l’Union européenne, la France figurait à l’avant-dernière place en 2010, juste devant l’Espagne, les recettes de taxes environnementales représentant 1,9 % du PIB, quand la moyenne de l’UE27 s’établit à 2,4 %. Cette fiscalité environnementale ne représentait également que 4,2 % des prélèvements obligatoires en France, contre 6,2 % en moyenne européenne.
Dans un sens élargi, la fiscalité environnementale peut également prendre la forme de « subventions » (crédit d’impôt, réduction de taxe, bonus...) à des comportements favorables à l’environnement : en termes de montant, le principal dispositif à l’œuvre à l’heure actuelle est le crédit d’impôt à destination des ménages qui effectuent des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement ou installent des équipements utilisant une source d’énergie renouvelable (2 Md€ en 2011). D'ampleur budgétaire nettement moindre, on peut citer le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique (33 M€), ou l'exonération de taxe foncière en zone Natura 2000 en contrepartie de bonnes pratiques de gestion (1,5 M€). Certains de ces dispositifs sont couplés d'emblée à une taxe symétrique (bonus et malus pour les achats de véhicules neufs, tarifs d’achat de l’électricité renouvelable et CSPE...).
Mesures fiscales environnementales votées en loi de Finances pour 2013 et loi de finances rectificative pour 2012
1. Consommation de ressources Renforcement de la taxe sur les logements vacants et de la taxe sur les friches commerciales. Ces taxes devraient permettre de remettre sur le marché de l'immobilier des logements vacants et d'inciter à la construction sur des zones déjà bâties afin de limiter la consommation d'espace et lutter contre l'artificialisation des sols.
2. Changement climatique Prorogation et durcissement du malus automobile. Plafonnement à 7CV du barème administratif qui permet la déduction au titre des frais réels automobile à l'impôt sur le revenu.
3. Pollutions Extension et durcissement de la TGAP air : - extension de la TGAP à cinq nouvelles substances émises dans l'air : benzène, hydrocarbures aromatiques polycycliques, arsenic, mercure et sélénium ; - augmentation des tarifs de la TGAP applicables aux émissions d'oxyde de soufre et d'azote et autres composés, COVNM, poussières en suspension ;
- abaissement du seuil d'application de la TGAP de 50 à 5 tonnes par an pour les poussières en suspension. Prorogation pour deux ans du crédit d'impôt agriculture biologique.