L’île-de-France en 2030, 1 200
000 logements en +
Les grandes perspectives de l’Ile-de-France à l’horizon 2030 à quelques jours du vote du Schéma directeur de la région, dressées par Jean-Paul Huchon, et son vice-président chargé de l'Aménagement du territoire, Alain Amédro, portent sur tous les aspects du territoire francilien (emploi, logement, agriculture, transport, urbanisme, culture...).
Cette planification stratégique s’appuie sur le principe de l'élaboration du Schéma directeur couvrant l'ensemble du territoire régional inscrit à l'article L. 141-1 du Code de l'urbanisme, voté en 2008 à l’unanimité en tenant compte des orientations définies par la loi « Grenelle 1 et 2 » et celles relatives au Grand Paris et ses décrets d'application qui ont instauré de nouvelles dispositions législatives et réglementaires propres à l'aménagement de l'Île-de-France
Ces évolutions substantielles, intervenues au cours de la révision du SDRIF de 1994 initiée par la délibération du Conseil régional du 24 juin 2004 expliquent que le Conseil d'État n'a pas pu rendre un avis favorable au projet de décret approuvant le projet de SDRIF adopté par délibération du Conseil régional du 25 septembre 2008, compte tenu de changements importants « des circonstances de droit et de fait », nécessitant de faire évoluer le SDRIF et de le soumettre de nouveau à la consultation des personnes publiques associées et du public.
Ces ajustements suivent la volonté de construire autrement la métropole francilienne en « s’adaptant aux modes de vie actuelle et future des franciliens en termes de mobilité, d’emploi, d’habitat, de loisirs et d’attentes environnementales".
Pour cela, le président du Conseil régional n’a pas hésité à convoquer les chiffres, notamment pour dépeindre les perspectives en termes d’emplois. L’objectif est d’en créer 28.000 par an au cours des 18 prochaines années, soit une croissance annuelle de 2,5%. Un cap jugé « raisonnable » compte tenu du contexte de crise.
C’est donc à travers 6 grands thèmes que le Sdrif présente ces propositions diverses pour l’aménagement de l’Île-de-France de 2030.
1- Quartiers renouvelés :
En 2030, la ville est plus dense, plus compacte. Les espaces « ordinaires » de l’Île-de-France sont reconnus au même titre que les grandes polarités comme des morceaux de ville à aménager. Certains architectes ajoutent aux pavillons comme aux grands ensembles des modules supplémentaires, d’autres rendent leurs bâtiments plus flexibles et réversibles. Pour répondre à la forte demande en logements, certains terrains difficilement constructibles ou délaissés jusqu’alors sont davantage valorisés. La ville n’est plus conçue sur le principe du « zonage » des activités et des fonctions urbaines. Les aménageurs essayent de construire des quartiers dans lesquels les Franciliennes et les Franciliens peuvent travailler, faire leurs courses, se divertir et se ressourcer près de leur habitation : la ville compacte est active et dynamique. Dans les quartiers d’affaires, sont introduits des logements, des commerces et des équipements, pour constituer de vrais quartiers vivants à toute heure de la journée.
Pour répondre aux défis environnementaux, des nouvelles formes urbaines et architecturales sont recherchées, tant dans l’aspect extérieur des bâtiments que dans l’agencement intérieur de chaque immeuble, de chaque logement, de chaque bureau. Les techniques avancées en matière de consommations énergétiques permettent de produire à des coûts abordables des logements à la fois écologiques et esthétiques.
Ces quartiers renouvelés ne tournent pas le dos à la nature et aux paysages. Au contraire, les frontières entre les zones urbaines et les parcs sont moins tranchées, induisant de nouvelles formes d’habiter.
Pour faire face aux besoins des Franciliens, garantir la qualité de leur résidence principale et compenser le parc de logements qui disparaît chaque année, il est nécessaire de construire près de 1,5 million de logements à l’horizon 2030, soit en moyenne 70 000 logements chaque année à partir de 2010 :
• 38 000 logements, pour répondre aux besoins liés à la croissance de la population estimée à l’horizon 2030. Selon un scénario d’évolution tendancielle de la population francilienne, de son vieillissement et de ses comportements résidentiels à l’horizon 2030, cohérent avec les projections démographiques nationales de l’Insee, la population francilienne devrait en effet progresser au même rythme que la population française, son poids démographique restant constant ;
• près de 12 000 logements par an, pour ne pas aggraver le déficit de production de ces dernières décennies conduisant au blocage progressif des parcours résidentiels d’un nombre croissant de Franciliens. Cela permettra notamment à l’Île-de-France de rejoindre les tendances nationales en matière d’évolution des modes de vie et de baisse de la taille des ménages, actuellement sensiblement freinées ;
• un peu moins de 17 000 logements, pour compenser les disparitions de logements dans le parc ancien (démolitions, fusions de logements et changements d’usage). Ce renouvellement immobilier progresse en volume lorsque la production s’accroît ;
• enfin, environ 3 000 logements, pour maintenir la part actuelle de logements vacants à son niveau actuel. Parc vacant, déjà au niveau le plus faible depuis quarante ans, pourtant essentiel pour garantir la souplesse et la fluidité du marche
2- Métropole connectée :
En 2030, les transports en commun permettent de se déplacer sans voiture à l’intérieur de la métropole. Le réseau de RER, métro et tramway maille plus finement le territoire métropolitain et rend plus faciles les déplacements de banlieue à banlieue. Tous ces modes de transports sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Ce réseau est aussi utilisé pour la circulation des biens. Les modes ferroviaire et fluvial sont intégrés au système logistique urbain, pour minimiser le recours au camion et réduire les problèmes de congestion routière et de nuisances environnementales. Des installations logistiques intermédiaires plus proches des quartiers apparaissent dans le paysage urbain. La distribution privilégie le commerce de proximité et les circuits courts.
A l’intérieur des quartiers, que ce soit en centre-ville ou dans les territoires plus ruraux, l’accès aux écoles, aux commerces alimentaires, aux équipements de proximité se fait majoritairement à pied, en vélo ou en bus. Dans les campagnes franciliennes, des bus rapides permettent de relier bourgs et hameaux entre eux et les rapprochent des villes plus importantes.
En 2030, les coupures physiques à l’intérieur de la ville disparaissent peu à peu. Les infrastructures sont mieux intégrées dans le tissu urbain. Le réseau routier rapide (autoroutes, voies rapides, périphérique...) a été « pacifié ». Les évolutions conjuguées des véhicules et des techniques de revêtement ont permis avec la réglementation sur les vitesses autorisées, de diminuer significativement les nuisances sonores. Les « autoroutes urbaines » ont été transformées en véritables boulevards de ville accueillant piétons, vélos, transports en commun. Autour de ces boulevards, se développent des quartiers denses, mixtes, aux formes renouvelées. Un travail fin d’aménagement a permis de construire des ponts, des tunnels, de recouvrir les grandes infrastructures routières ou ferrées en Île-de-France pour relier, unir, désenclaver les quartiers. Les Franciliennes et Franciliens peuvent plus facilement cheminer de l’échelle du quartier à l’échelle de la métropole.
En 2030, tout le monde a accès à un Internet de nouvelle génération. Les outils portables de communication et leurs fonctionnalités ont progressé de manière fulgurante. On échange des informations, on se voit à distance. Les livres se lisent, se téléchargent et se commandent par écran interposé. Paradoxalement, cette révolution génère des besoins de plus en plus forts d’échanges et de rencontres physiques, entraînant un besoin accru de mobilité et d’espaces publics de qualité.
Ainsi d'ici 2030 il y aura :
- plus de 60 gares à créer, à ajouter aux 810 gares actuelles, soit plus de 900 gares en Ile-de-France d’ici 2030 - près de 237 km de métro en plus (soit le doublement du réseau actuel) - près de 66 km de RER prolongés, près de 75 km de tramways en plus
Au final, d’ici 2030, 90 % des Franciliens seront à moins de 2 km d’une gare.
3- Polarités et centralités :
En 2030, la métropole francilienne est devenue plus dense, refusant de continuer à consommer de l’espace. Ce processus de densification est initié sur tous les territoires, à la faveur d’évolutions de la réglementation. Des points de concentration de plus grandes densités apparaissent sur certains lieux, avec pour pendant le maintien de pans entiers de la métropole conservant un tissu urbain plus lâche et continuant d’offrir des urbanités différentes, en réponse aux différents besoins des Franciliens.
En 2030, on cherche à développer commerces, services, équipements, logements, activités sur les carrefours de transports, du plus symbolique au plus banal. Les quartiers de gares, jusqu’ici seulement considérés comme des lieux de transports, sont devenus des morceaux de ville mixtes et denses, des nouveaux centres urbains qui structurent la métropole francilienne sur l’ensemble de son territoire. Quelques lieux, aux intersections les plus importantes, se distinguent par leur caractère symbolique remarquable, le prix plus élevé du foncier, une concentration exceptionnelle de tout ce qui fait la ville. Ces nouvelles centralités sont les lieux privilégiés de l’excellence de l’économie, de la recherche et du savoir.
La question de la cohésion sociale dans une métropole diverse, parfois traversée de tensions, est au centre de la réflexion urbaine. Les aménageurs cherchent à créer des lieux publics où toutes les classes sociales et toutes les origines se côtoient et partagent activités ludiques, sportives ou culturelles. Ainsi, de nouveaux lieux de rassemblement naissent à l’échelle du quartier ou de l’agglomération. Les espaces publics sont aménagés avec soin afin de fournir à tous des lieux agréables, propices à la mixité sociale. Construites en lien avec les centres universitaires et en considération des nœuds de circulation, de grandes médiathèques à vocation régionale sont réparties sur le territoire. Les gares et stations de tramway ou de bus abritent des lieux de services et de culture. Elles sont de véritables lieux de vie.
4- une métropole connectée à la nature :
Le paysage, le relief, les fleuves et les rivières sont devenus le support du travail des architectes, des urbanistes, des aménageurs. Les projets urbains se conçoivent comme émergents du paysage, du socle naturel. La nature est devenue un élément à part entière de la ville. Elle n’est plus considérée comme du vide autour de la zone urbanisée. L’environnement est un enjeu partagé par tous les acteurs : Etat, collectivités locales, entreprises, citoyens.
La nature assure et anime une véritable fonction dans la ville : fonction paysagère, fonction de détente fonction nourricière, éducative, sociale, environnementale, urbaine. Elle s’immisce à l’intérieur de la ville et se crée des parcours. Elle investit les toits, les terrasses, les façades.
Dans cette ville renouvelée et densifiée, les frontières se diluent. Les lisières urbaines ménagent une transition entre le bâti et l’agricole, le forestier, les clairières... La ceinture verte est préservée au cœur de la zone dense. Les parcs, les grands massifs boisés et les espaces agricoles assurent à l’échelle de l’ensemble de l’agglomération cet équilibre essentiel entre ville et nature. Les usages des espaces agricoles et naturels se diversifient : économiques, écologiques, de loisirs...
Les continuités naturelles entre les massifs forestiers et les espaces agricoles favorisent la biodiversité et permettent la circulation des animaux et des espèces végétales. Elles ménagent des corridors propices aux migrations des espèces qui accompagnent les mutations climatiques et tissent leur trame dans les tissus urbains qu’elles traversent.
L’Île-de-France a su conserver son rang de première région agricole française, ce qui lui permet de conserver sa fonction nourricière sur une majeure partie de son territoire. Dans les campagnes et aux lisières des villes, une agriculture de proximité s’est développée et a pris une part croissante dans l’alimentation du marché métropolitain. Les circuits de distribution se sont raccourcis, diminuant coûts de transport, de stockage et émissions de gaz à effet de serre. A la faveur de l’essor des éco-matériaux, dont l’utilisation est devenue la règle, des filières spécifiques de construction se sont davantage constituées, notamment la filière bois qui a permis l’extension des surfaces boisées.
5- Fleuve :
En 2030, le fleuve tend à devenir un boulevard urbain. La prise en compte systématique des enjeux environnementaux dans les projets d’aménagement permet de développer des stratégies pour construire au bord des fleuves et des rivières, parfois au-dessus d’eux, en prévenant les risques d’inondation, par exemple en utilisant les dénivelés, des pilotis, ou des structures flottantes. Les berges sont encore le lieu d’accueil des grands équipements de services urbains et des industries, permettant au fleuve de conserver sa fonction économique.
Le fleuve est redevenu une infrastructure de transport. Les pouvoirs publics développent le transport fluvial de passagers et de marchandises, tentant de réduire le fret routier, gros émetteur de gaz à effet de serre.
La complémentarité entre les fonctions économiques du fleuve et son rôle paysager de corridor biologique est au cœur des réflexions pour l’aménagement des quartiers en bord de Seine. Les vallées, les paysages, la topographie du fleuve sont mis en valeur, éléments de patrimoine constitutifs de l’identité métropolitaine. Un nouveau type de parc naturel régional met en valeur les grands paysages ouverts des vallées fluviales. Le Bassin de la Seine englobant rus et rivières jusqu’à l’estuaire de la Seine constitue une nouvelle échelle de la métropole qui transcende le territoire régional, et lui confère une nouvelle dynamique économique et culturelle.
6- S’approprier la métropole :
En 2030, Paris reste la principale place touristique d’Île-de-France, véhiculant l’image d’une qualité de vie renouvelée. Des efforts importants sont faits pour en faire bénéficier l’ensemble de la métropole. Quelques gestes symboliques dotent certains territoires de lieux, de repères, de balises. De grands équipements culturels et institutionnels ont été édifiés hors de Paris. Au moyen d’un travail fin, qualitatif, patient sur la « ville banale », la métropole culturelle de 2030 répond aux demandes locales : ici, une scène locale ou un atelier d’écriture, là un centre multimédia, ou encore un musée de ville, autant de « monuments » fédérateurs d’identité métropolitaine.
En 2030, l’Île-de-France compose avec sa géographie, sa topographie et ses paysages de toutes natures (agricoles, industriels, urbains...). Les Franciliennes et Franciliens ont accès à la richesse de leur patrimoine naturel, archéologique, architectural, urbain, industriel, environnemental, agricole, cultuel... Les projets de territoires tiennent mieux compte de ces environnements variés. Ils révèlent mieux les paysages et subliment les lieux ordinaires. Chaque Francilien peut ainsi se reconnaître dans ces identités locales, qui constituent les traits de la métropole. La mise en résonance des fragments historiques produit du sens et illustre une mémoire collective large, faisant identité, urbanité, civilité. Ces nouveaux symboles de la métropole participent à l’image et à l’attractivité de l’Île-de-France.