Au cœur de la
problématique de la rénovation énergétique du bâti ancien à Paris…
De nombreux articles du blog font référence à de diverses analyses de la performance thermique, notamment sur le parc tertiaire.
Face aux enjeux environnementaux, inutiles de rappeler que les échéances auxquelles la France devra faire face, la rénovation du parc immobilier qui concerne plus de 30 millions de logements et 850 millions de m2 de tertiaire sera très difficile à tenir.
Si l’on s’intéresse de près à paris, la typologie des bâtiments sont très divers, mais pour faire face à l’arrivée massive après la première guerre mondiale, des immeubles de logements collectifs fleurissent en périphérie de la capitale. Des opérations mécanisées construites sur le même schéma appelées ‘’habitations à bon marché’’ (HBM).
Ces logements typiques de la couronne parisienne marque une période à laquelle les questions de durabilité, de confort et d’habitat social était étroitement lié, thématique que l’on retrouve aujourd’hui et qui n’a jamais été aussi prégnant.
Après la 1ère guerre mondiale et juste avant la seconde guerre mondiale, la Ville de Paris a accueilli le plus grand nombre d’habitant de toute son histoire, soit environ 3 millions d’habitants sur vingt ans. En 1936, Paris compta plus de 6 millions d’habitants.
Même si la superficie de Paris n’évolue guère, la décision de la démolition de l’enceinte Thiers, en avril 1919 aura pour conséquence de gagner quelques centaines d’hectares pour la construction d’habitats collectifs sociaux.
L’après de la 1ère guerre mondiale, les préoccupations se concentrent à la reconstruction et la relance de l’industrie et les réflexions sur la notion environnementale se borne sur la garantie d’un logement sain. L‘hygiène pour confort de vie, de l’air et du soleil pour agrément naturel dans le logement.
Elles débouchent sur les propositions d’une forme urbaine ouverte qui privilégie des distances plus importantes entre les bâtiments et qui prend en compte leur orientation.
Ces logements ‘’HBM’’ présents dans les quartiers périphériques, notamment dans la zone des anciennes fortifications militaires, déclassées à partir de 1919. Cette « ceinture » de logements HBM qui entoure Paris le long des boulevards des Maréchaux, propose les principes d’hygiène du logement en tenant compte de la ventilation et l’ensoleillement maximal des logements et des principes urbains volontairement différents à la ville Haussmanniènne connue sous le second empire.
Construits sur une bande de terre bien délimité, ces habitations sont desservies par des voies locales larges et hiérarchisées (entre 14 et 20 mètres de large), soit perpendiculaires soit en diagonal par rapport aux voies existantes. La hauteur de ces constructions atteint généralement 21 m à la corniche, découpée en cinq ou six niveaux surmontées d’une toiture en comble.
Ces bâtiments implantés perpendiculairement ou parallèlement à la voie publique, restent bien souvent disjoints les uns des autres. L’architecture est ponctuée de cours qui s’ouvrent sur des voies publiques ou des squares publics. Les façades respectent quant à elles l’implantation classique à l’alignement sur rue.
La morphologie de ces bâtiments propose un corps peu épais, les techniques de construction étaient encore artisanales. La disparition des savoir-faire sur les matériaux anciens (avec les pertes humaines de la première guerre mondiale) et la nécessité de faire baisser les coûts économiques de la construction ont favorisé l’essor de l’utilisation de la brique et du béton. Avec le développement des éléments de structure métalliques et du béton armé, l’ossature porteuse se substitue progressivement à la façade porteuse.
Pour suivre le fil de l’article, rénover ce type d’habitat n’est pas aisée car même si la rénovation thermique doit avoir lieu, elle doit intégrer les caractéristiques du bâti. En terme d’analyse thermique et thermographique de ces types d’immeuble, le diagnostic n’est pas simple en raison des modes constructifs évoluant rapidement, les premiers schémas constructifs d’HBM seront semblables aux logements ouvriers d’avant-guerre avec des murs porteurs en briques assez épais alors qu’à partir du milieu des années 20 la construction se portera sur des ossatures en béton avec remplissage brique.
Sur le plan architectural, là aussi tout n’est pas aisé car certains groupes d’habitats possèdent des façades très travaillées avec des modénatures, des décorations en faïence, des balcons en bois, etc. À l’inverse à la veille de la seconde guerre, beaucoup d’ensembles bâtis sont le fruit d’une expression architecturale plus simple.
La grande disparité des modes constructifs et architecturaux fait de cette période l’une des plus complexes à analyser.
S’agissant de la façade porteuse. Avant 1925, les façades sont porteuses les murs sont donc assez épais (33cm) et possèdent peu de ponts thermiques (R = 0,5 K. m2/W).
Après 1925, c’est une ossature en béton qui porte la façade, le remplissage est en brique. Les murs sont plus fins (22 cm) et perdent donc en performance thermique (R = 0,4 K. m2/W). L’hétérogénéité des matériaux (béton/brique) est visible sur certaines thermographies.
Du point de vue des ponts thermiques géométriques, le niveau d’ornementation assez élevé de la façade ainsi que les saillies créent des zones de moindre résistance thermique qui occasionneront des fuites thermiques au niveau des oriels, balcons, etc.
Concernant l’effet de paroi froide et donc de la sensation de confort thermique dépendent de deux choses: la température du logement et la température des parois du logement. Dans les logements non isolés les murs ont des températures de surface souvent basses ce qui accentue la sensation d’inconfort en hiver et pousse les occupants à surchauffer le logement. Ce phénomène est connu sous le nom de phénomène de paroi froide et caractérise la plupart des logements non isolés. On peut simuler l’évolution de la température au niveau des parois du mur pour une température extérieure de 0 °C et une température intérieure de 20 °C.
Dans le cas des logements construits entre les deux guerres, on constate une température sur les parois intérieures d’environ 16°C. Le phénomène de paroi froide est donc très prononcé.
L’analyse thermique s’évalue notamment avec des menuiseries parfois inchangées. Très souvent des travaux de remplacement des vitrages ont été conduits sur les bâtiments construits, entre les deux guerres, et ce pour des raisons de gène sonore des façades sur rue. Ainsi la proportion de double vitrage est plus importante sur rue que sur cour. Les simples vitrages qui subsistent entraînent en général des pertes thermiques importantes et participent à l’effet de paroi froide.
L’inertie thermique, l’atout de ses bâtiments anciens. Ses bâtiments anciens ont été construits avec des matériaux denses capables d’emmagasiner de grandes quantités de chaleur, cette propriété s’appelle l’inertie thermique. Lorsque la température varie de façon importante entre le jour et la nuit (en demi-saison par exemple), l’inertie permet de protéger les occupants des variations de température et garantit un certain confort intérieur. De même, lorsqu’un épisode de canicule démarre, les bâtiments à forte inertie mettent un certain temps à s’échauffer et restent donc agréables à vivre sans nécessité de climatiser pendant les premiers jours de la vague de chaud.
Sur le plan de la ventilation, les bâtiments anciens sont ventilés naturellement, l’air se renouvelle grâce à la perméabilité des menuiseries anciennes, aux trous pratiqués dans les façades (soit lors de la construction soit a posteriori) et enfin par l’ouverture des fenêtres des occupants qui gèrent ainsi eux-mêmes le renouvellement de l’air. La ventilation est une source de déperdition de chaleur puisque de l’air chaud chauffé par les occupants s’échappe à l’extérieur du bâtiment.
Les appartements sont toujours traversants ce qui permet à la ventilation naturelle de fonctionner correctement puisqu’il existe toujours une différence de pression entre l’air extérieur sur rue et l’air extérieur sur cour. Ce point est un avantage très important pour le confort d’été, puisque toutes fenêtres ouvertes l’appartement se ventile efficacement la nuit.
Enfin, sur les équipements de chauffage, qui sont à la fois collectif (gaz, CPCU, fioul) à 60 %, et aussi individuel (gaz et électrique) à 40 %, induisent chez les usagers des niveaux de consommations très différents.
L’avantage des systèmes à facturation individuelle est de responsabiliser les occupants puisque chacun paie ce qu’il consomme ce qui a pour conséquence de tirer les consommations d’énergie vers le bas. À l’inverse le système collectif tirera les consommations vers le haut puisque chacun paie non selon ce qu’il consomme mais selon la surface qu’il occupe.
L’un des traits caractéristique du chauffage collectif dans les HBM est le principe de colonne montante par pièce. Lorsque les colonnes passent le long des façades elles induisent d’importantes pertes thermiques visibles en thermographie.
Dans les HBM ont observe aussi des niveaux de chauffage disparates selon les étages.
La typologie différentes de ces bâtiments construits sur le même plan architectural révèle une complexité sur l’évaluation de la consommation d’énergie de ces bâtiments, car chaque édifice est unique…. la mitoyenneté, les apports solaires, la taille des ouvertures influenceront notablement les consommations d’énergie dans un bâtiment qui n’est pas isolé. S’il faut se risquer à avancer une valeur moyenne on pourra avancer, dans le cas d’un chauffage collectif gaz performant, le chiffre de 200 kWh/m2/an, avec une fourchette de ± 50 kWh/m2/ an selon les configurations morphologiques du bâti.
Un choix énergétique par l’ITE ou ITI ?
Pour ramener le bâtiment aux alentours de 80 kWh/m2/an on aura vraisemblablement besoin de poser la question de l’amélioration de la performance de l’enveloppe du bâtiment, ce qui pose la question de la valeur patrimoniale du bâti à traiter. Les bâtiments construits entre les deux guerres ont une valeur patrimoniale qu’il conviendra d’évaluer au cas par cas. En effet la production de logements HBM qui est réalisée juste après la première guerre ressemble de beaucoup à la production des logements ouvriers de la fin du XIXe avec dans certain cas un niveau d’ornementation des façades assez développé. À l’inverse les groupes produits à la fin des années 30 ont une écriture architecturale généralement plus simple.
Notons qu’il n’y a pas dans ces bâtiments de différence architecturale entre les façades sur cour et les façades sur rue. Lorsque la valeur patrimoniale est faible (on pense en particulier aux HBM qui n’ont même pas de briques apparentes) la pose d’une ITE est la solution la plus simple à mettre en œuvre, elle permet de traiter efficacement l’enveloppe du bâtiment.
La pose d’un double mur en brique est une solution alternative à la précédente qui peut être mise en œuvre lorsque le bâtiment est en briques apparentes mais que la valeur patrimoniale du bâtiment reste faible (absence d’ornementation). Le double mur en brique est une solution plus chère que l’ITE, plus complexe à mettre en œuvre mais qui permet d’atteindre des performances thermiques plus élevées que l’ITE et qui apporte plus de confort aux occupants, notamment en été.
Enfin lorsque les HBM possèdent une valeur patrimoniale, les solutions d’ITE et de double mur ne peuvent être mises en œuvre. Faudra-t-il pour autant se pencher sur une isolation intérieure (ITI) ?
Le recours à l’ITI est une solution qui a été abondamment utilisée en France dans la construction neuve des années 80 et 90. Elle a été abandonnée depuis car elle est source d’un certain nombre de désordres (notamment liés à la gestion de l’humidité dans le bâti) qu’il faudra regarder avec grande précaution dans le bâti ancien. La solution d’ITI n’a jamais été utilisée à grande échelle dans les pays du nord, ces derniers ont toujours utilisé les techniques de double mur ou d’ITE.
La difficulté posée par les HBM repose dans l’usage conjoint de brique et de béton. Ces matériaux ont des comportements hygrométriques très différents qu’il faut étudier avec précision dans le cas d’une isolation intérieure. En effet la pose d’une isolation intérieure est susceptible de créer des problèmes condensation dans les parois en brique.
L’illustration du schéma présente un exemple en régime stationnaire sur un mur en brique. L’ambiance intérieure est à 50 % d’humidité relative et à 80 % à l’extérieur. Ces conditions sont un peu dures mais peuvent se produire. Le mur isolé par l’intérieur est susceptible d’être le siège de phénomènes de condensation dans le mur ou l’isolant ce qui est extrêmement problématique. Inversement le mur isolé par l’extérieur semble ne pas poser de problème dans cette première approche. Notons qu’il s’agit la d’une approche statique simpliste qui ne fait pas office de diagnostic (il faut faire une simulation dynamique pour cela) mais qui possède l’avantage de montrer que la solution intérieure est très fragile du point de vue de l’hygrométrie.
L’usage du béton qui se généralise au fil du temps pour les ossatures porteuses ou pour les linteaux aura pour conséquence de nettement compliquer le trajet de l’humidité à travers les parois. Ce point sera à documenter si l’on désire se tourner vers une solution d’ITI.
L’isolation intérieure nécessite la pose d’un pare-vapeur à l’intérieur du logement. Ce qui est déjà un inconvénient en soi car un pare-vapeur n’est efficace que s’il est parfaitement posé, le moindre défaut concentre l’humidité en un point singulier ce qui peut s’avérer extrêmement problématique. Si le choix se porte sur l’ITI, en plus du pare-vapeur, l’occupant devra mettre en œuvre un système de ventilation performant car dans un logement devenu étanche, il faut impérativement évacuer la vapeur d’eau.
L’ITI pose un second problème qui est celui de la perte d’inertie. À l’inverse des bâtiments d’après guerre, les bâtiments anciens ont l’énorme avantage de posséder de l’inertie. C’est pour cela que les consommations d’énergie sont si basses dans le bâti ancien. La solution d’ITI condamne en grande partie l’inertie des façades ce qui est un inconvénient majeur pour le confort d’été. Aujourd’hui toute simulation thermique visant à comparer les avantages et inconvénients entre l’ITI et l’ITE devrait se pencher sur la question du confort d’été et en particulier le comportement thermique du bâtiment lors d’épisodes de canicule. Le rapport à la surchauffe estivale sera différent selon les techniques constructives de l’HBM (mur porteur en brique de 33 cm ou ossature porteuse). L’enjeu de l’ITI en terme de perte d’inertie sera donc différent selon les modes constructifs du bâtiment. Notons que, généralement, les bureaux d’études proposant la solution d’ITI suggèrent de compenser le mauvais comportement thermique du bâtiment isolé par l’intérieur en été en proposant des solutions de ventilation nocturne par ouverture des fenêtres. Les bâtiments HBM se situent principalement sur les boulevards des maréchaux, la question de la gène sonore contraint énormément cette disposition.
Si la baisse des consommations d’hiver encourage les occupants à isoler et que cette isolation crée des surchauffes estivales obligeant à climatiser, on peut rester dubitatif quant à la portée de telles mesures (c’est d’autant plus vrai dans la perspective d’un climat qui se réchauffe).
À l’inverse la solution d’ITE ne compromet pas l’inertie du bâtiment, le tampon thermique que constituent les murs restant en contact avec l’ambiance intérieure. Le double mur quant à lui apporte encore plus d’inertie.
Le troisième problème que pose l’ITI est la création de ponts thermiques. L’interruption de l’isolant au niveau des planchers crée des ponts thermiques et donc une hétérogénéité de la température de façade ce qui peut encore être source de phénomène de condensation. Dans le cas d’une ITE ces questions ne se posent pas.
Le dernier problème posé par l’isolation est la question de la place du dispositif. Concernant l’ITE, un débord de 20 cm est désormais autorisé à Paris sur l’espace public, ce qui constitue un encouragement fort vis-à-vis de l’ITE. Dans le cas de l’ITI, les occupants doivent se résoudre à perdre quelques pourcents de la surface habitable ce qui constitue une perte substantielle de la valeur d’un patrimoine immobilier. Ce dernier point est vraisemblablement le plus gros frein à la mise en place de l’ITI dans le parc privé.